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TOP : 10 rôles marquants (et variés) de Robert De Niro

Lors de l’édition 2025 du Festival de Cannes, Robert De Niro va recevoir une Palme d’honneur pour récompenser l’ensemble de son apport à l’Histoire du cinéma. Pour l’occasion, nous vous proposons une sélection de 10 rôles ayant jalonné sa riche carrière.

Depuis ses débuts ("The Wedding Party", tourné en 1964 mais sorti seulement 1969, donc pas le premier à avoir été projeté), Robert De Niro a été au générique de plus de 100 longs métrages (auxquels il faudrait ajouter quelques courts métrages, téléfilms et séries). Même si on laisse de côté les rôles très secondaires, les doublages (comme "Gang de requins") ou encore les films oubliables ou d’importance mineure, il reste ardu de faire un choix de 10 rôles pour tenter de résumer la carrière prolifique de cet acteur ô combien marquant du cinéma américain. Il n’est d’ailleurs pas question pour nous de prétendre faire ici la liste de ses 10 meilleures performances. Nous avons même fait le choix délibéré – et forcément difficile – de laisser de côté deux rôles importants pour lesquels nous proposons déjà deux articles centrés : "Taxi Driver" et "Jackie Brown". Nous avons également écarté ses interprétations dans les deux seuls films qu’il a réalisés : "Il était une fois le Bronx" et "Raisons d’État".

Même avec ce tri, il a bien fallu se résigner à ne pas aborder des films pourtant notables dans sa filmographie, tels que "Mean Streets", "1900", "New York, New York", "Voyage au bout de l’enfer", "Il était une fois en Amérique", "Brazil", "Les Affranchis", "Frankenstein", "Casino", "Mon beau-père et moi" ou encore le plus récent "Killers of the Flower Moon" (sa dernière nomination aux Oscars). Nous en sommes conscients : cette liste non exhaustive donne le vertige ! En fait, nous avons tenté de résumer la carrière de l’acteur en jouant le jeu de la diversité, en essayant de varier les décennies (même si on se focalise beaucoup sur les années 80-90), les réalisateurs (on a conservé seulement 2 des 10 collaborations avec Martin Scorsese), les types de personnages (forcément des mafieux, mais pas seulement) ou encore les genres (en puisant par exemple du côté de la comédie).

1974 // LE PARRAIN, 2e PARTIE (The Godfather: Part II)

De Francis Ford Coppola / rôle : Vito Corleone jeune

Alors que Robert De Niro n’avait pas été retenu par la production pour jouer dans le premier "Parrain" de Francis Ford Coppola, il obtient le rôle de Vito Corleone jeune dans le deuxième volet sorti en 1974 aux États-Unis et en 1975 en France. Un choix judicieux tant l’acteur brille dans ce rôle mythique incarné par Marlon Brando dans le premier opus sorti deux ans plus tôt. Robert De Niro interprète un Corleone dans le Little Italy de 1917, en montrant en quelques séquences comment celui-ci est devenu ce parrain tant respecté qui déjà formulait sa célèbre réplique « Je lui ferai une offre qu’il ne pourra pas refuser » ! Sans chercher à ressembler à Marlon Brando, Robert De Niro adopte sa gestuelle, son phrasé et son accent italien reconnaissable entre mille. Son interprétation, qui donne vie au jeune Corleone dont on retrouve toute l’aura et le charisme, vaut au comédien de 31 ans l'Oscar du meilleur acteur dans un second rôle. Pour préparer son personnage, De Niro était parti trois mois en Sicile avant le tournage pour apprendre à parler un italien perfetto ! Il ne prononce, en effet, que 17 mots en anglais dans "Le Parrain 2", tout le reste étant en sicilien !

Mathieu Payan

1980 // RAGING BULL

De Martin Scorsese / rôle : Jake LaMotta

Parmi toutes les répliques interprétées par Robert De Niro dans sa carrière, deux sortent particulièrement du lot au point d’être souvent imitées ou parodiées : « You talkin’ to me? », qu’il a improvisé dans "Taxi Driver", et « You fucked my wife? », prononcé à plusieurs reprises dans "Raging Bull". On ne saurait résumer ce film à cette réplique, mais elle symbolise beaucoup le caractère de ce boxeur : macho, maladivement jaloux, parano, colérique et – forcément – violent. Dans cette séquence où Jake s’en prend brutalement à son frère et à sa femme, De Niro fait progressivement monter la rage incontrôlable de son personnage, partant d’un calme apparent qui peut d’abord laisser croire qu’il a gagné en maîtrise de soi ou qu’il est plus résigné, mais qui cache en fait une immense colère froide, comme un prélude avant une tempête d’insultes, de menaces et de coups. Tout au long du film, Robert De Niro utilise sa palette variée de langage non verbal pour illustrer toutes les facettes de son personnage, qu’il interprète certes comme un « taureau enragé », habité par une volonté permanente de s’imposer sur le ring comme dans sa vie, mais aussi comme une sorte de gamin immature qui cherche en permanence suffisamment de confiance en soi pour compenser des faiblesses qu’il ne s’autorise pas à avoir. Dans ce registre, De Niro joue parfois avec une sorte d’innocente douceur, comme lorsque Jake drague Vickie dans un mélange de confiance et de candeur. Ajoutons à cela un gros travail de préparation technique pour les scènes de boxe, une transformation physique avec prise de poids, ou des scènes marquantes comme celle où Jake se tape la tête contre le mur d’une cellule durant sa déchéance, et il est presque évident que cette performance hors normes ait valu à De Niro l’Oscar du meilleur acteur.

Raphaël Jullien

1986 // MISSION (The Mission)

De Roland Joffé / rôle : Rodrigo Mendoza

Avec une Palme d’or et sept nominations aux Oscars, "Mission" est sans aucun doute un des plus grands succès critiques des années 80. Avec en prime un rôle en or pour De Niro qui campe Rodrigo Mendoza, un trafiquant d’esclaves dans l’Amérique latine du 18e siècle qui se jette à corps perdu dans la foi après avoir tué son frère sur un coup de sang. Notez la puissance du symbole de l’homme qui troque ses frères en humanité et qui finit par assassiner son propre frère. Il rejoint les missionnaires jésuites et embrasse la cause des Indiens, tout en conservant ses manières de brute et son caractère impétueux. Cela en fait un des personnages les plus complexes et fascinants de la longue carrière de De Niro. Hélas, sous cette pluie de récompenses, Robert De Niro reste au sec (même pas une nomination, ni aux Oscars, ni aux Golden Globes, ni aux BAFTA). Tout comme son collègue Jeremy Irons qui trouve lui aussi un des plus grands rôles de sa carrière, si ce n’est le plus grand. Il fallait au moins une Palme d’honneur pour réparer cette injustice.

Benjamin Bidolet

1987 // LES INCORRUPTIBLES (The Untouchables)

De Brian De Palma / rôle : Al Capone

Après "Mean Streets" et "Le Parrain 2", Robert De Niro poursuit dans l’univers de la mafia en incarnant une des plus célèbres figures du grand banditisme américain : Al Capone ! Pour l’incarner, Brian De Palma pousse la production à choisir De Niro bien qu’il demande 1 million de dollars pour ce second rôle. Finalement, le réalisateur parvient à faire engager son poulain. De Niro et De Palma, c’est en effet une grande histoire qui débute au cinéma avec "The Wedding Party" (tourné en 1964 et sorti en 1969 aux USA, mais jamais distribué en salles en France). Ensemble, ils travailleront quatre fois en incluant "Les Incorruptibles", leur dernière collaboration. Pour préparer son rôle, De Niro met les bouchées doubles, au sens propre comme au figuré ! Il se rend, en effet, en Italie pendant plusieurs semaines, où il prend plus de dix kilos en mangeant local, retrouve les vrais tailleurs des costumes de Capone pour réaliser sa garde-robe et finit par se raser le front pour ressembler physiquement au chef de la mafia. Dans le film, ça fait des étincelles ! La première scène lui est d’ailleurs consacrée. Filmé d’abord en plongée totale (une des marques de fabrique du réalisateur), Al Capone est chez le barbier qui l’entaille par accident… Il se touche la plaie et montre le sang du bout des doigts : en un plan, on comprend que celui-là a du sang sur les mains ! Mais, des scènes avec Al Capone, c’est certainement celle du repas avec la batte de base-ball qui reste le plus en mémoire. De Niro joue constamment sur le fil en interprétant un homme souriant et amical en apparence (dont la presse raffole pour son talent d’orateur) avant d’exploser à la moindre étincelle pour dévoiler sa véritable nature : un être fou furieux et enragé.

Mathieu Payan

1990 // L'ÉVEIL (Awakenings)

De Penny Marshall / rôle : Leonard Lowe

En ce début des années 90, où De Niro enchaîne les rôles à succès dans des genres très différents (le mafieux dans "Les Affranchis", le psychopathe dans "Les Nerfs à vif", le pompier expérimenté dans "Backdraft", l'inquisiteur dans "La Liste noire", l'amoureux dans "Stanley et Iris"), c'est un autre rôle à part dans sa filmographie qui attire ici notre attention. Il s'agit de celui de Leonard Lowe, véritable patient, rescapé d'une épidémie d'encéphalite, et muré dans un mutisme et une progressive de coma éveillé. Le film de Penny Marshall ("Big", "Une équipe hors du commun") retrace la thérapie menée par un chercheur (incarné par Robin Williams) qui découvrira un remède permettant au patient de retrouver au moins temporairement ses mouvements, trouvant là matière à un drame émouvant bien qu’un peu appuyé. De Niro trouve ici son unique rôle à la "Rain Man", s'appliquant à décomposer les mouvements incertains de cet homme dont l'esprit enfermé dans un corps qui ne lui répond plus, souffrant de ne plus communiquer avec ses proches, et ne pouvant se rendre compte de l'âge qu'il a réellement, pusiqu’il a raté une bonne partie de sa vie d’enfant, d’ado et d’adulte. Le film obtient 3 nominations aux Oscars, dont une pour Robert De Niro comme meilleur acteur, alors que Robin Williams est nommé pour le Golden Globe du meilleur acteur dans un drame.

Olivier Bachelard

1991 // LES NERFS À VIF (Cape Fear)

De Martin Scorsese / rôle : Max Cady

Comme la vengeance est un plat qui se mange froid, Max Cady va mettre à profit ses 14 ans de prison pour peaufiner un sinistre plan pour faire payer à son avocat son incarcération. À sa sortie, il est devenu une brute épaisse, tatouée de sermons apocalyptiques, qui ne boit que de l'Evian pour garder l'esprit clair. Pas sûr que ce soit un placement de produit très utile, tant Robert de Niro porte à son paroxysme la cruauté incarnée. L'acteur est presque méconnaissable tant ses traits sont défigurés par la haine et même sa légendaire moue cynique fait froid dans le dos. Lors de sa sortie, ce remake d'un thriller des années 60 fait salle comble. Aujourd'hui, la réalisation au cordeau de Scorsese glace toujours le sang, mais le film a pris un très mauvais coup de vieux. En effet, côté scénario, Max Cady en veut à mort à son avocat car celui-ci, lors de son procès pour viol avec coups et blessures, a omis de présenter un témoignage qui présente la victime comme « une fille facile » : elle avait couché avec 3 hommes différents en un mois… Oui, il n'y a pas si longtemps, c'était une raison suffisante pour relaxer un violeur, et ça aussi ça fait frémir. Mais cela n’enlève rien à la performance de De Niro, qui reste une bonne raison de revoir ce film.

Gaëlle Bouché

1995 // HEAT

De Michael Mann / rôle : Neil McCauley

Il suffit parfois d’une seule scène pour qu’un film marque à jamais l’Histoire du 7ème Art. Si le polar bleu métallique de Michael Mann a gagné depuis longtemps ses galons de chef-d’œuvre, c’est sa scène-pivot, positionnée pile au milieu de ses trois heures de récit, qui a fait sa réputation. Un simple face-à-face entre deux hommes, un flic (Al Pacino) et un criminel (Robert De Niro), autour d’un café dans un bar, histoire de faire le point sur l’évolution de la traque du second par le premier et de clarifier sereinement ce qui risque d’arriver en fin de course (soit l’un des deux mourra, soit ils ne se recroiseront jamais). Une prodigieuse leçon de mise en scène en moins de dix minutes, forgée toute entière sur la puissance des regards et des caractères. Face à un Pacino fidèle à sa réputation d’acteur fiévreux et baroque, De Niro impose au contraire un jeu minéral, animal, le plus souvent mutique, en lien direct avec son personnage de truand professionnel obsédé par la maîtrise de son environnement et voyant son trajet existentiel dévié par l’irruption de l’amour. Une prestation immense, clairement l’une de ses plus habitées, qui pèse encore lourd dans la consolidation de son aura d’acteur ô combien fondamental du cinéma américain.

Guillaume Gas

1996 // SLEEPERS

De Barry Levinson / rôle : le père Robert « Bobby » Carrillo

"Sleepers" est un de ces rares exemples du genre du rape and revenge où les victimes sont masculines. C’est l’histoire d’une bande d’amis inséparables qu’une tragédie terrifiante vient ébranler. Au milieu d’un casting All-Stars (Brad Pitt, Jason Patrick, Kevin Bacon, Dustin Hoffman, Minnie Driver…), c’est bien Robert De Niro qui tire son épingle du jeu. Incarnant le père Robert « Bobby » Carrillo, un prêtre bienveillant qui côtoie la troupe lors de leur enfance, il montre alors une facette de son jeu plus touchante qu’à l’accoutumée et prouve une fois de plus l’ampleur de son talent. C'est un véritable numéro d'équilibriste auquel joue l'acteur, entre une dureté imposée par sa position d'ecclésiastique et une candeur qui jure dans ce long métrage empreint de masculinité toxique. Rien que pour la scène finale de procès, où toute la prestance de l’acteur résonne dans la salle d’audience, on vous conseille "Sleepers" pour ce rôle parfois oublié et pourtant si important de sa carrière.

Germain Brévot

1999 // MAFIA BLUES (Analyse This)

De Harold Ramis / rôle : Paul Vitti

Tout au long de sa carrière, Robert de Niro a su s’épanouir dans des rôles assez variés. Mais force est de constater que l’image du gangster implacable lui colle à la peau. C’est particulièrement le cas au sortir des années 90 où ses rôles dans "Les Affranchis", "Casino", ou encore "Heat", constituent ses apparitions les plus marquantes de la décennie. Dans "Mafia Blues" ("Analyze This" en VO), il incarne une nouvelle fois un parrain de la mafia. Mais un parrain peu sûr de lui et qui doute de la nécessité de recourir à des méthodes moralement douteuses afin de gérer ses business illicites. Ici le terme de « contre-emploi » n’est pas galvaudé. À plus forte raison quand on sait qu’au-delà de ses rôles de criminels, De Niro interprète souvent des personnages prêts aux pires bassesses pour parvenir à leur fin. "Des hommes d’influence", sorti à peine deux ans plus tôt, en constitue un bon exemple, tout comme l’excellent "La Valse des pantins". Sachant cela, on ne s’attendait pas à voir un De Niro avec des états d’âmes, se plaindre, pleurnicher, chouiner, face à son psychanalyste joué par un Billy Crystal aussi interloqué qu’ont dû l’être les spectateurs de 1999. Des spectateurs qui ont été suffisamment nombreux à se déplacer en salle pour encourager les décideurs à pondre une suite poussive intitulé "Mafia Blues 2 : La Rechute" ("Analyze That" en VO ; une occasion de plus de constater que les titres originaux ont toujours plus de classe que chez nous).

Benjamin Bidolet

2012 // HAPPINESS THERAPY (Silver Linings Playbook)

De David O. Russel / rôle : Pat Solitano Sr.

En 2012, Robert de Niro n’a plus à nous prouver son talent, mais il peut encore nous surprendre en choisissant de jouer dans "Happiness Therapy" un père qui essaye de trouver comment relationner à nouveau avec son fils bipolaire. De Niro campe son personnage avec aplomb : c’est le père typiquement « vieille école » qui considère que les maladies mentales se soignent comme un gros chagrin, tout en étant incapable de voir ses propres contradictions. Il a beau être rationnel et ne pas « croire » en la dépression, il est lui-même pétri de superstitions et de tocs, et refuse par exemple à quiconque de dévier des habitudes lorsque son équipe favorite joue un match. C’est finalement un grand monsieur qui joue le rôle d’un père assez ordinaire et ça fonctionne. Dans "Happiness Therapy", Robert De Niro se montre aussi sûr de lui que faillible, et on le prend vraiment comme un membre de notre propre famille.

Océane Cachat

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