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Test DVD - LES PROMESSES DE L’OMBRE

Date de sortie : 1er juillet 2008

Bouleversée par la mort d'une jeune fille qu'elle aidait à accoucher, Anna tente de retrouver la famille du nouveau-né en s'aidant du journal intime de la disparue, écrit en russe. En remontant la piste de l'ouvrage qu'elle tente de faire décrypter, la sage-femme rencontre Semyon. Elle ignore que ce paisible propriétaire du luxueux restaurant Trans-Siberian est en fait un redoutable chef de gang et que le document qu'elle possède va lui attirer de sérieux problèmes... Pour Nikolai, chauffeur et homme de main de la toute-puissante famille criminelle de l'Est, c'est le début d'une remise en cause. Entre Semyon et son fils Kirill, prêts à tout pour récupérer le journal, et l'innocente Anna, sa loyauté va être mise à rude épreuve. Autour d'un document qui se révèle de plus en plus explosif, plusieurs vies sont en jeu, dont la sienne, alors que se déchaînent les meurtres et les trahisons dans la famille comme dans la ville...

Test DVD

"Les Promesses de l’ombre" squattait les premières places de nos classements des meilleurs films de l’année 2007, il n’est donc que justice de retrouver le dernier opus d’un Cronenberg en pleine forme dans la rubrique des critiques DVD. Cette sortie sur galette(s) est un mini événement : d’abord parce qu’elle permet de revoir comment Viggo Mortensen éteint ses cigarettes en les plaçant sur sa langue, ensuite parce que Metropolitan nous propose une tripotée de bonus qui, pour une fois, loin de se contenter d’un vague survol du tournage et des interviews, tente véritablement de creuser le propos du film. Sans faire de mauvais jeu de mots : cette édition DVD des "Promesses..." tient-elle les siennes ?

Les bonus sont distribués entre les deux galettes et nous les classons ici selon trois catégories générales : « Autour du film », « Sous les tatouages » et « Au-delà du film »

Autour du film

La courte featurette « Autour du film » est un brouillon qui a le mérite de présenter brièvement les protagonistes et les enjeux du film, sans doute destiné à ceux qui n’achèteront que l’édition simple. La version complète se trouve sur le second DVD : pendant 22 minutes environ, « De l’ombre à la lumière » se donne pour mission d’évoquer les aspects essentiels de la fabrication du film tout en insistant sur l’étonnante et bluffante préparation de Viggo Mortensen pour son personnage de chauffeur, Nikolaï : l’entendre raconter son voyage dans la Russie profonde à la rencontre des populations et d’anciens détenus fait froid dans le dos, d’autant que le bonhomme, doué pour les langues, s’est amusé à apprendre un peu de cyrillique et entraîné à le causer pour crédibiliser au mieux son alter ego filmique. Le résultat à l’écran est plus éblouissant encore lorsqu’on connaît l’épaisseur de ses recherches : Viggo a beaucoup lu, Viggo s’est bien formé, Viggo a même effrayé des ressortissants Russes dans un café anglais qui pensaient qu’il s’agissait bel et bien d’un ancien prisonnier slave.
Mieux encore, Cronenberg n’hésite pas à souligner deux motifs fondamentaux de son film, profitant des espaces du documentaire pour glisser de brèves analyses psychologiques ; d’une part, sur l’homosexualité latente qui existe dans le monde des gangsters en général, et dans celui de la mafia russe telle qu’elle est représentée dans le film en particulier – quand on se rappelle que "Les Promesses de l’ombre" débute sur un meurtre, celui d’un mafieux qui laissait courir des rumeurs sur la sexualité déviante de Kirill, on ne peut qu’augurer de l’importance effective de ce thème. D’autre part, sur la quête inhérente aux principaux protagonistes, à savoir celle d’une famille : Nikolaï veut s’intégrer à la « famille » mafieuse de Semyon, Anna recherche la famille russe du nouveau-né de Tatiana… Les pistes de réflexion sont grandes ouvertes.

Sous les tatouages

La jaquette du DVD, reprenant l’affiche officielle du film, montre deux mains superposées recouvertes de tatouages (celles de Nikolaï), comme autrefois celle de "La Nuit du chasseur" mettant en valeur les paluches de Robert Mitchum. Une formidable séquence nous fait assister à l’intronisation de Nikolaï dans la mafia des Vori v’zakone, presque nu et le corps parsemé de tatouages : c’est dire l’importance de ces dessins corporels dans "Les Promesses de l’ombre". « Sans tatouages, vous n’existez pas » lance un personnage du film.
Outre un court reportage sur le symbolisme de ces multiples tatouages portés par Nikolaï, "À fleur de peau", où l’on apprend que c’est Viggo (encore lui) qui modifia substantiellement le scénario en proposant l’idée d’utiliser la tradition des tatouages en vogue dans les prisons russes, ce DVD nous propose un terrifiant voyage au cœur de ces geôles. "La Marque de Caïn" décrypte pendant plus d’une heure le sens profond de ces tatouages qui font la fierté des prisonniers de droit commun en Russie : ils représentent une donnée immédiate du prisonnier, un point d’accès à sa psychologie et à son existence, en même temps qu’un passeport. On peut y lire le nombre et la nature des peines réalisées par le porteur, ses envies, ses passions et ses angoisses. En vogue au temps de l’Union Soviétique, le tatouage carcéral permettait de se situer sur l’échelle hiérarchique des détenus et promettait en prison une bonne situation – certaines marques étaient spécialement réservées aux caïds, et se faire tatouer une étoile sur les genoux de façon illégitime pouvait vous valoir un passage à tabac en règle. Même si les symboles ont changé et que les tatouages ne se portent plus pareil, même si les anciens détenus avouent avoir effacé leurs marques une fois sortis de prison afin de faciliter leur retour à la vie civile, cette ancienne tradition reste saisissante et témoigne de la violence qui règne encore dans les geôles de l’est.

Au-delà du film

Pierre Lorrain, écrivain et politologue spécialiste de la Russie, revient en cinq épisodes sur l’évolution de la mafia russe et son implantation progressive à Londres ; son analyse, passionnante, est tangente au parcours du film : comment l’image que nous avons de la mafia russe a changée depuis le début des années 90 pour devenir très sérieuse et complexe (« Les mafias russes »), l’arrivée d’abord tonitruante puis discrète des caïds dans la capitale anglaise (« L’implantation à Londres »), un zoom sur le code d’honneur des Vori v’zakone, littéralement les « voleurs dans la loi » (« Les Vori v’zakone »), un autre sur la prostitution, qui reste le commerce le plus lucratif et le moins risqué des mafias de l’est (« La prostitution »), enfin un avis sur l’utilisation de ces éléments dans le film de Cronenberg qui, selon Pierre Lorrain, parvient à une représentation très réussie de la mafia russophone londonienne (« La crédibilité du film »).

Pour conclure : après la très réussie édition de "A History of Violence", précédent opus de Cronenberg, Metropolitan nous prouve une nouvelle fois le goût immodéré de ses éditeurs pour le génial cinéaste Canadien, ici largement mis en valeur.

Le DVD :
- Durée : 1h35
- Editeur : Metropolitan
- Son : DDS et DTS VF / DDS VO
- Image : 1.85 16/9

Les bonus :

Disque 1
- Autour du film
- Bandes-annonces
- Lien internet
- Dossier de presse
- Fonds d’écran

Disque 2
- La Marque de Caïn
- À fleur de peau
- Au-delà du film : entretien avec Pierre Lorrain, spécialiste de la Russie
- De l’ombre à la lumière
- Galeries photos

Eric Nuevo Envoyer un message au rédacteur

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