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Critique Série : SMALLVILLE

Série créée par Alfred Gough et Miles Millar
Avec Tom Welling, Kristin Kreuk, Allison Mack, Michael Rosenbaum, John Glover, Annette O'Toole, John Schneider…

Première diffusion en France : 2003 sur M6
Format : 42 minutes en moyenne par épisode (20 à 23 épisodes par saison)
Site officiel : Warner Bros.

Synopsis

Dans la petite ville de Smallville (...), une pluie de météorites amène sur Terre un vaisseau spatial. Un couple de jeunes fermiers recueille le bébé ainsi parachuté. Au fil des ans, celui-ci découvre ses super-pouvoirs et va apprendre à les utiliser et à les mettre au service d'autrui.

Critique : Quand la petite ville fait la grande histoire... ou comment la télé américaine use le filon "super-héros"

Ces derniers temps, nos super-héros galactiques ont débordé les limites des bulles de leurs bandes dessinées. Sam Raimi a adapté "Spiderman" au grand écran, "Les 4 Fantastiques" ont sorti leurs gros sabots de pierre transparents qui lancent du feu… Côté télé, un schéma similaire s’est installé depuis plusieurs années. Et notre super-héros le plus préféré de celui qu’on adore le plus, c’est bien sûr Superman.

Les longs-métrages avec Christopher Reeves avaient fait la gloire de l’acteur. Certains se souviennent de la série télé qui en avaient découlée, avec Dean Cain, qui n’a fait que des téléfilms discutables par la suite, et Teri Hatcher, nouvellement femme au foyer désespérée. La dernière adaptation s’appelle "Smallville", du nom de la ville du Kansas où s’est écrasé le vaisseau de Superman dans une pluie de météorites (la kryptonite) alors qu’il n’était encore qu’un tout petit enfant sans défense (ou presque).

Si le premier épisode de la série pose les galons originels avec l’arrivée du vaisseau sur Terre, l’essentiel de l’action se déroule durant les années de lycée de Clark. Le jeune homme a tout de l’étudiant type : des soucis avec ses devoirs, les travaux à la maison quand il aide son papa fermier, une amoureuse qui ne le regarde pas… D’autant plus qu’à ses énormes problèmes s’ajoutent une responsabilité énorme, celle de sauver ses amis environ une fois par épisode. A raison de 22 épisodes en moyenne par saison, imaginez le boulot…

A chaque épisode, le jeune homme se retrouve confronté à un problème, souvent lié à la kryptonite (ce métal venu de sa planète et qui le tue) : un prof de sport qui shoote ses joueurs, une adolescente qui boit de la kryptonite pour maigrir, un fana de moustiques génétiquement modifiés… A ces faits divers résolus en peu de temps, s’ajoutent des intrigues plus importantes : Clark et sa quête d’identité, Clark et son histoire d’amour maudite avec Lana, Clark et la découverte de ses pouvoirs… L’intérêt principal de la série réside donc dans le parcours qui relie Clark à Superman, le chemin qu’il lui faudra emprunter pour accepter ses nouvelles responsabilités.

Les scénaristes s’amusent en effet à distiller au fil des saisons les éléments qui font de Clark un super-héros en puissance. C’est totalement par hasard qu’il découvre sa super vitesse ; un beau jour, ses yeux se mettent à lancer du feu ; au contact de la kryptonite rouge, il s’envole même dans les airs. L’adolescent ne maîtrise pas ses pouvoirs et c’est là le moyen le plus évident pour les spectateurs de s’identifier à lui (malgré les apparences) : Clark doit parvenir à composer avec la partition qui lui est donnée, chercher les causes de son malaise face à une nouvelle situation, pour finalement devenir meilleur.

Si les situations « scénaristiques » servent principalement pour l’accroche et les effets spéciaux, ce sont sans aucun doute les questions sous-jacentes qui permettent de considérer Clark comme l’adolescent tout à fait normal qu'il veut être : la mort d’un proche, la perte d’un ami, la découverte de l’amour et son questionnement face à l’avenir.

Clark apprend donc à composer, par petites touches, avec les problèmes qu’impose l’aube de la vie. A cet ancrage dans l’univers pré pubère, s’ajoute une dimension fantastique assez bien exploitée, car, ne l’oublions pas, Clark vient d’une autre planète. Les effets spéciaux, en général réalisés avec justesse, sont très souvent mis en avant par des ralentis et des changements d’angle, ce qui casse néanmoins avec la volonté de la série, non pas de paraître réaliste, mais du moins crédible. Chaque problème que rencontre Clark se résout par une utilisation, à un moment donné, de ses pouvoirs. Au fil des saisons, la série a su montrer une autre facette de sa qualité, en s’interrogeant davantage sur le sens de l’amitié et l’appartenance à un monde (et à une tribu).

En outre, le rehaussement de la qualité narrative de la série s’est vu suivi (forcément) d’une baisse conséquente de l’audience américaine, mais les producteurs ont su rameuter le public par l’exhibition du corps. La prude Lana de la première saison a été filmée nue sous la douche dans la quatrième ; Clark, le petit fermier un peu gauche des premiers épisodes, passe même (presque…) la nuit avec une autre adolescente, tandis que des défilés en bikini s’organisent petit à petit…

Si les histoires d’amour ne servent qu’à attirer un public adolescent (la cible principale), la série se targue néanmoins de jouer avec la légende de Superman. A maintes reprises, les scénaristes s’amusent à y faire référence : à Smallville, on lit le "Daily Planet" ; on déménage pour Métropolis ; le premier épisode se déroule même sur le pont Loeb, du nom d’un des principaux auteurs actuels de comic-book. La vie de Clark est alors une véritable destinée, à l’image des signes qui, dès l’origine, le formatent déjà dans son futur rôle de super-héros. On peut donc élargir le champ d’attaque de Smallville à une population plus éparpillée : les ados donc, mais aussi les fans de comics, et… c’est tout ?

Par ailleurs, il faut reconnaître à Superman sa qualité esthétique. La série, montée en télescope (selon mes propres termes, c’est-à-dire le recours à des bandes noires), est un mini-film de cinéma de 52 minutes. Les couleurs vives viennent peindre le tableau d’un Kansas rempli de fleurs, de champs, de ciel bleu et de magnifiques couchers de soleil. Les héros, tous beaux, n’ont aucun problème d’acné, sont déjà maquillés au lever du jour et portent tous les derniers jeans à la mode, malgré leurs soucis d’argent (il faut bien les inclure dans une situation quasi-réelle). Néanmoins cette vision édulcorée et auréolée de lumières vives, bien qu’attirante dans un premier temps, montre vite ses limites. Dans un épisode tourné à Paris, Lana photographiait des écoliers habillés façon Robert Doisneau. Vive les stéréotypes…

Au final, "Smallville" est une série sympa, plutôt drôle, et dont les six ou sept personnages principaux se sont étoffés au fil des saisons. La qualité visuelle compose une réalisation franchement attendue, et les noms de l’équipe technique défilent à la vitesse d’un homme en collant bleu dans le ciel… bleu. Malheureusement, comme c’est souvent le cas, la série s’empâte petit à petit dans ses propres ressorts, et peine à trouver un nouveau souffle au terme de cinq saisons déjà diffusées à la télévision française. Le tout est de savoir si, pour le final, les scénaristes / producteurs / acteurs seront être à la hauteur d’une telle légende…

Lucie Anthouard Envoyer un message au rédacteur