Banniere_11_films_de_separation_Saint_Valentin

DOSSIERSéries TV

Critique Série : LA GIFLE

Titre original : The Slap
Série créée par Emily Ballou, Alice Bell, Brendan Cowell, Kris Mrksa et Cate Shortland, d'après le roman de Christos Tsiolkas
Avec Jonathan LaPaglia, Melissa George, Sophie Okonedo, Alex Dimitriades, Essie Davis, Sophie Lowe, Lex Marinos, Blake Davis, Diana Glenn...

Première diffusion en France : 2011 sur Arte
Format : 51 minutes en moyenne par épisode (1 saison, 8 épisodes)
Site officiel : ABC

Synopsis

Famille et amis sont réunis autour d’un barbecue chez Aisha et Hector pour le 40ème anniversaire de ce dernier. Parmi les invités, Hugo, 4 ans, cumule bêtises, caprices et autres comportements insupportables, sans que ses parents ne le grondent ni ne s’excusent envers les autres. C’est alors que, pendant une partie de cricket entre enfants, Hugo accepte mal d’être éliminé et commence à agiter violemment la batte devant un des adolescents. C’est alors qu’intervient Harry, père de l’ado et cousin d’Hector, et gifle le petit Hugo. Cet incident sonne le début d’une longue crise aux répercussions multiples…

Critique : Une claque pour nos sociétés modernes

Dix ans après "Nos vies secrètes", une nouvelle série chorale melbournienne explore l’Australie contemporaine. La comparaison s’arrête là car les différences sont majeures : le format est celui d’une mini-série de 8 épisodes (contre 5 saisons pour "Nos vies secrètes"), la France a su lui faire un accueil digne de son intérêt (diffusion remarquée sur Arte, alors que "Nos vies secrètes" était passée inaperçue sur Canal+), une place moins importante pour Melbourne (l’ambiance de cette ville étant un aspect majeur de "Nos vies secrètes" alors qu’elle fait figure de décor plutôt secondaire ici) et surtout un ton radicalement différent.

Le génie de "La Gifle" tient d’abord dans sa faculté à réinventer le fameux « effet papillon ». Quelle que soit la perception personnelle par chaque spectateur de la gifle assénée par Harry (et il y a fort à parier que, de façon générale, elle choque moins en France que dans les pays anglo-saxons), on est surpris de constater les proportions que prend cet incident et les conséquences directes ou indirectes qui découlent de cet acte. A cela s’ajoute un deuxième tour de force, et pas des moindres : celui de consacrer chaque épisode à un personnage différent tout en avançant dans la chronologie au lieu de tomber dans la solution plus facile du flashback permanent de style « changement de point de vue sur la même action ». Il y a bien quelques rares et courts flashbacks mais on ne rejoue pas indéfiniment la gifle. Tout simplement car ce n’est pas tant l’incident lui-même qui est intéressant mais bien ce qu’elle révèle des personnages et de la société. Le lien avec la gifle est d’ailleurs variable dans chaque épisode ; il est même révélateur que le deuxième épisode, celui centré sur Anouk, soit celui qui se rattache le moins à cette claque initiale.

Chaque épisode se focalise donc sur un personnage (tout en permettant d’ailleurs de suivre en filigrane l’évolution d’autres personnages – autre exploit scénaristique). Cette particularité permet de varier la réalisation, qui colle aux spécificités de chacun : les images mentales de Harry, les déambulations chaotiques de Richie ou encore le besoin d’évasion d’Aisha sont autant d’adaptations de la réalisation aux tourments des personnages. Etonnamment, ceux-ci auraient presque tous une bonne raison d’être giflés : Harry, le macho violent et frimeur ; Rosie, la mère hystérique et surprotectrice ; Connie, l’adolescente égoïste et lunatique… Mais tous ont également soit un côté attachant soit une bonne raison d’être défendu – pour reprendre les mêmes exemples : on peut comprendre Harry car le petit Hugo est franchement infernal ; Rosie est dépassée par ce qu’elle vit et souffre de l’alcoolisme de son mari ; Connie est orpheline et cherche un sens à sa vie…

À travers cette galerie de personnages (qui ne se résume d’ailleurs pas aux huit qui bénéficient d’un épisode), c’est la société contemporaine et multiculturelle qui s’en prend plein la tronche. Le spectateur est en effet confronté aux perceptions culturelles différentes et aux crises générationnelles : la gifle différemment perçue par les immigrés grecs, la société moderne critiquée par l’Aborigène ex-alcoolique converti à l’islam, le mal-être d’une adolescence sans repères, la crise de la quarantaine… Au-dessus de tout cela, c’est l’oscillation entre non-dits et trop-dits qui régit le tout. Les secrets et les révélations franches alternent, et aucune situation ne paraît optimale. Au final, "La Gifle" est une vraie claque pour l’exploration des comportements humains et sociétaux et une vraie critique de l’incapacité à communiquer. Ce drame contient malgré tout des moments de grâce et de tendresse, quelques touches d’humour et d’inattendues notes d’espoir, comme si les créateurs de la série (et/ou l’auteur du roman dont elle est une adaptation) ne laissaient pas tomber l’optimisme tout en constatant les dérèglements de nos sociétés.

Raphaël Jullien Envoyer un message au rédacteur