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Critique Série : HOMELAND - SAISON 1

Série créée par Howard Gordon et Alex Gansa, d’après la série israélienne "Hatufim" créée par Gideon Raff
Avec Claire Danes, Damian Lewis, Mandy Patinkin, Morena Baccarin, David Harewood, Morgan Saylor, Diego Klattenhoff, Jackson Pace…

Première diffusion en France : 2012 sur Canal+
Format : 55 minutes en moyenne par épisode (12 épisodes pour la saison 1)
Site officiel : Showtime

Synopsis

Huit ans après la disparition de deux soldats américains lors de l'invasion de Bagdad, l'un d'entre eux réapparaît, seul survivant alors que tout le monde le pensait mort depuis longtemps. Rapatrié aux États-Unis, il est accueilli chaleureusement par sa famille, ses amis et le gouvernement. Seule contre tous, l'agent de la CIA Carrie Mathison, qui a passé plusieurs années en Afghanistan, est persuadée que le héros est en réalité devenu un espion à la solde de l'ennemi, préparant la prochaine attaque terroriste sur le sol américain. Sans réelle preuve et montrée du doigt suite à un incident diplomatique qu'elle a déclenché quelques mois plus tôt, Carrie va devoir se battre pour prouver que ce qu'elle avance est la réalité...

Critique : L'Amérique de la peur

Ça commence comme un épisode de "24 Heures chrono" : des soldats musclés filmés caméra épaule, une espionne tête blonde en territoire afghan, un marine extirpé des griffes d’Al Qaida et porté au pinacle par sa nation. Sauf que Jack Bauer n’est pas là et que l’ennemi ne porte pas un turban… "Homeland" n’est en effet en rien une série d’action testostérone et frénétique, mais une œuvre politique qui décrypte une guerre de faux-semblants, loin de tout manichéisme. Les pulsions vengeresses des agents de la CIA hantés par le spectre du 11 septembre s’opposent à celles de marines oubliés par leur hiérarchie, de musulmans meurtris par l’impérialisme américain.

"Homeland" a l’intelligence et le courage de les renvoyer dos à dos, ne stigmatisant ni les uns ni les autres. Au centre de ces rouages instables, l’agent de la CIA incarnée avec force et sensibilité par Claire Danes est aussi instable que les soubresauts qui l’entourent. Bipolaire, elle cache son trouble psychotique à ses supérieurs, portée par sa conviction que le marine revenu d’Irak en héros travaillerait désormais au service d’Al Qaida. Ce qui n’aurait pu être qu’une problématique binaire (trahira ? trahira pas ?) révèle rapidement des enjeux infiniment plus complexes. Du retour au bercail difficile d’un marine perturbé en passant par la vie d’agents secrets aux vies personnelles ravagées, la série aborde l’espionnage sous un jour particulièrement réaliste. Bureaucratie écrasante, surveillance vidéo jusqu’au bout de l’ennui : par son rejet du spectaculaire et des figures imposées, "Homeland" installe les personnages dans un quotidien qui leur confère une belle humanité et rappelle qu’au delà de l’abstraction géopolitique, l’espionnage est avant tout affaire d’hommes et de femmes, coincés entre raison et pulsion.

Chacun est alors rongé par ses peurs, peur de l’autre, de l’étranger sous toutes ses formes, qu’il soit musulman, soldat ou agent secret. La peur conduit à la fascination, à l’obsession. Obsession d’une femme pour un soldat qu’elle va traquer, approcher jusqu’à ce que la paranoïa cède à la folie. En bout de course, "Homeland" décrit une Amérique malade de l’intérieur, à la fois forte de ses convictions et fragilisée en profondeur. Une 1ère saison dont les protagonistes finissent blessés, désorientés, et qui nous laissent nous spectateurs pantois.

Thomas Bourgeois Envoyer un message au rédacteur