YUNAN

Un film de Ameer Fakher Eldin

Une peinture du sentiment d’exil

Allemagne. Munir a sa sœur au téléphone, qui lui passe sa mère. Mais sa mère ne semble pas le reconnaître, persuadée qu’elle est une jeune femme, pas même encore mariée. Jeté dans une crise existentielle, il se rend au milieu de polders, tout au nord du pays, souhaitant prendre une chambre dans une auberge au milieu des marais…

Ce fut sans doute l’un des films de la compétition berlinoise qui aura le plus divisé, entre les tenants d’un contemplatif qui assume sa lenteur et ceux qui verront là derrière une certaine vacuité. Si notre appréciation se situera sans doute entre les deux, il est vrai que l’on finira par se dire que "Yunan" aurait sans doute fait un excellent court métrage d’une trentaine de minutes, s’avérant au final à la fois répétitif et bourré de scènes inutiles. Mais toutes les scènes d’un film ont elles vocation à utiles ? Le film de Ameer Fakher Eldin ("The Stranger") a le mérite en tout cas d’entraîner son personnage dans des lieux rarement montrés au cinéma : les polders du nord de l’Allemagne, où chaque nouvelle tempête fait craindre la disparition des fermes pourtant placées sur des monticules.

En tentant de tracer un parallèle entre l’âpreté des gens ou la violence des éléments et le sentiment d’exil de son personnage principal, malade de ne pouvoir revoir sa mère déclinante restée au pays, l'auteur plaçait sans doute la barre trop haut. Son personnage, qui restera à part dans cette petite communauté plutôt fermée, doit en effet faire face à l’accueil glacial d’une aubergiste (Valeska jouée par Hanna Schygulla), puis à l’absence totale d’échange avec de son fils Karl, fermier, obnubilé par la possible montée des eaux. Tournant autour du pot quant aux raisons qu'a Munir de faire ce voyage, le scénario esquisse une maladroite parabole sur l’identité et la capacité à retrouver un élan de vie. Restent cependant de sublimes scènes de tempête et de montée des eaux, submergeant les paysages alentours et remettant chacun des personnages à sa bonne échelle face à la nature. On n'oubliera pas ces images et le mélange d’angoisse et de fascination qu’elles provoquent, confirmant que Ameer Fakher Eldin est sans doute un réalisateur à suivre, mais on oubliera vite ce "Yunan".

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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