WICKED Partie 1
Grand spectacle et valeurs universelles
Suite à une liaison adultère de sa mère, Elphaba est née de couleur verte. Mise de côté par son père, elle a développé d’étranges pouvoirs. Lors de l’entrée à l’université de Shiz de sa sœur cadette, Nessa, désormais en fauteuil roulant, elle s’emporte face à une aide qui ne la considère pas comme autonome et détruit une partie du mobilier de la cour. Repérée par la directrice, Madame Morrible, celle-ci lui propose de rester et d’intégrer son master de magie. Galinda, jeune femme blonde issue d’une famille aisée, doit alors partager sa chambre avec elle, espérant gagner ses faveurs pour intégrer aussi le très sélect master de magie…
C’est sans aucun doute le film live action le plus attendu de cette fin d’année 2024, de par l’ampleur de la promotion, entamée il y a plusieurs mois, et le fait qu’il s’agit d’un film fantastique où les animaux sont doués de parole (la louve sage femme et la nourrice ourse, le professeur bouc...), faisant référence au pays d’Oz dans lequel un certain magicien a déjà eu les honneurs d’un film devenu un classique et de son remake franchement oubliable. Ce qui n’a pas été mis en avant dans la bande annonce (et pour cause, celle-ci n’est pas très connue en France), c’est qu’il s’agit là de l’adaptation d’une comédie musicale de Broadway, dont certaines chansons devraient vous rester en tête à l’issue de la projection comme la très amusante « Popular » ou celle qui accompagne la rébellion d'Elphaba, « Defying Gravity » et qui clôt l’acte 1. Il s’agit donc là de l’adaptation du premier acte, les chansons signées Stephen Schwartz n’apparaissant que ponctuellement, au sein d’une intrigue de plus de 2h40 qui fait la part belle à des décors incroyables, depuis le village et ses champs de fleurs colorés, jusqu’à la Cité Émeraude, en passant par l’université.
La direction artistique est donc forcément remarquable, tout comme les costumes, à commencer par les lunettes asymétriques d'Elphaba, qui marquent une autre de ses différences. Critique des préjugés sur la couleur de peau, le film étend la thématique du rejet de la différence à bien des sujets : les animaux, progressivement réduits au silence, les tenues vestimentaires comme le chapeau de l’héroïne, les pouvoirs magiques, et même la façon de danser, qui donne l’une des scènes emblématiques du film... Symptôme de ce regard normé et prêt à juger le moindre défaut, le personnage de Galinda est un régal de drôlerie, le format long métrage donnant le temps de s’attarder sur ses jeux de « lancé de cheveux » (le running gag du film). Ariana Grande en fait joyeusement des tonnes, la mise en scène capturant ici des gestuelles que le format théâtre ne pouvait rendre, comme lorsqu’elle joue avec sa tenue légère rose et se traîne par terre en pleine euphorie pour « Populaire ». Agaçant juste ce qu’il faut, premier degré et délicieusement imbue d’elle même, ce personnage qui en prend pour son grade sans bouger un cil, contribue à l’équilibre d’un film qui en manque un peu parfois, dans ses excès de bons sentiments.
Face à elle, Cynthia Erivo fait passer beaucoup de souffrance par le regard ou quelques moues passagères, composant dans une certaine complexité celle qui deviendra la méchante Sorcière de l’Ouest que la première scène de liesse des villageois nous apprend comme ayant été vaincue. Pas encore réellement politique, cette première partie commence juste à toucher du doigt des thématiques plus sombres que les américains comme les européens sauront reconnaître dans les élans d’exclusion voire de persécution de certains dirigeants, accrochés à leur pouvoir. Les personnages de la directrice (Michelle Yeoh, rigide à souhait) et du mysterieux magicien (Jeff Goldblum) prennent peu à peu de l’importance, tandis que les scènes d’actions se multiplient avec leur cortège d’effets spéciaux de grande qualité. En bref on ne s'ennuie pas une minute dans cette super-production de fin d'année qui ne se priva pas de références au "Magicien d'Oz" (on aperçoit même Dorothy et les autres sur un chemin lors d'une des premières scènes...) et qui s'avère entraînant en diable.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur