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WE ARE WHAT WE ARE

Un film de Jim Mickle

Faire un film de genre à partir d'un film d'auteur

Dans une petite ville du fin fond des Etats-Unis, Emma Parker est atteinte d'un malaise et meure sur le coup. La famille Parker, composée du père, de ses deux filles et de son fils cadet, est sous le choc. Les deux adolescentes, Iris et Rose, se retrouvent contraintes à perpétuer une mystérieuse tradition de la famille à la place de leur mère, sous la pression autoritaire de leur père…

Présenté en sélection à la Quinzaine des réalisateurs 2013, "We Are What We Are" est le remake américain de "Ne nous jugez pas", lui-même présenté dans la même sélection trois ans plus tôt. C'est Jim Mickle, déjà bien rôdé aux films d'horreur notamment avec son très bon "Stake Land", qui s'est chargé d'adapter ce film mexicain bien ancré dans un environnement sud-américain. Le réalisateur originaire de Pennsylvanie ne décide pas pour autant de faire un copier-coller de l'original. Même s'il reprend l'histoire de cette famille cannibale dans ses grandes lignes, "We Are What We Are" est foncièrement différent de du film de Jorge Michel Grau.

"Ne nous jugez pas" avait une fibre de film d'auteur social dans laquelle arrivait soudainement du gore burlesque. En changeant le contexte (la famille ne se nourrit plus de chair humaine à cause d'une pénurie de viande ou de la pauvreté mais en raison d'une obscure tradition familiale dont on se demande comment elle a réussie à traverser les générations), Jim Mickle retire tout le sel qu'avait l'œuvre originale pour se concentrer sur une ambiance thriller/horreur digne des classiques du genre. La photographie poisseuse est soignée et le travail sonore se marie impeccablement bien avec l'ambiance morbide que construit Mickle. Le film perd donc en profondeur pour se rattraper sur la forme. Seulement, là où le mexicain signait un film jonglant avec le film d'auteur à portée sociale, le burlesque et le gore, Jim Mickle ne se concentre que sur un seul genre et rend son film bien moins audacieux que l'original.

Malgré une invocation mystique à la tradition qui laisse dubitative sur sa raison d'être, l'ensemble tient tout de même la route grâce à une mise en scène maîtrisée et à ses actrices Ambyr Childers et Julia Garner plutôt convaincantes. On regrettera que le personnage du père autoritaire et obtus verse allègrement dans le caricatural. Il est également dommage que Jim Mickle abandonne les éléments les plus intéressants de l'œuvre originale mais conserve en revanche ses faiblesses. Ainsi, la scène finale dont le ridicule était dilué dans l'expérience burlesque que proposait Jorge Michel Grau se révèle ici inappropriée et même en contradiction avec les répulsions de ses personnages.

Alexandre RomanazziEnvoyer un message au rédacteur

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