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WALK AWAY RENEE

Mise en scène douteuse pour sujet douloureux

Renée Leblanc, bientôt soixante ans, est atteinte de troubles mentaux. Contractée lorsqu’elle était adolescente, suite à une chute qui la paralysa et l’amena à subir des électro-chocs, sa maladie présente des formes multiples et des symptômes qui ne cessent de s’aggraver avec le temps. Jonathan Caouette, son fils cinéaste, raconte leur calvaire de 2004 à 2010.

Huit ans après « Tarnation », auto-portrait passionnant réalisé à partir de vidéos filmées par Jonathan Caouette lui-même dès l’âge de 11 ans, « Walk away Renée » s’attache cette fois-ci à décrire le mal qui ronge sa mère, déjà largement esquissé dans le premier opus. Revenant brièvement sur l’histoire de sa famille, à travers des extraits de « Tarnation », puis plaçant son récit en 2010, lors d’un transfert d’un centre de soin à un autre que Renée doit affronter sans ses médicaments, Jonathan Caouette balaie 6 années de galère où l’état de sa mère, ainsi que celui de son grand-père, ne firent d’empirer. De Houston à New York, d’hôpitaux psychiatriques en centres spécialisés, Caouette n’a cessé de se préoccuper de leur état, d’organiser leurs nombreux déménagements, et même de les accueillir plusieurs fois sous son toit, impliquant de son fils et son compagnon.

Ne nous épargnant ni les crises terrifiantes de Renée, qui fait vivre un enfer à son fils, ni la déchéance physique et mentale d’Adolph, le grand-père grabataire, Jonathan Caouette livre un film inconfortable, éreintant même, qui laisse peu de place à l’espoir. Modernité et petit budget obligent, il utilise cette fois-ci une caméra numérique, qui lui permet de filmer davantage de moments et de conversation intimes, dans davantage d’endroits. Et grande nouveauté : il laisse d’autres filmer pour lui, ce qui lui permet d’apparaître dans le cadre et de devenir un véritable personnage. C’est là que réside principalement la rupture entre ses deux films : alors que le premier vibrait par son témoignage innocent et ses images non préméditées, le second prend davantage la forme d’une fiction, truffé de rebondissements (la perte des médicaments), d’instants tragiques (les coups de fil affolés de Cahouette aux médecins de sa mère), de scènes d’injustice (la mère et le grand-père tyrannisant Cahouette) et de scènes d’angoisse (les hurlements de Renée en pleine nuit).

Or ce parti-pris de dramatisation du sujet (au sens théâtral) pose la question des intentions du cinéaste. Jonathan Cahouette choisit de filmer la maladie de sa mère avec un certain sens épique, optant par moment pour des mises en scène empruntées aux films de genre. Il réalise un film formellement sophistiqué, doté d’un réel sens de la narration et d’un montage efficace, ce qui dénote également d’une volonté de rendre le film accessible et attrayant. Or s’il est vrai que la schizophrénie est une maladie spectaculaire en soi, est-ce une raison valable pour en faire un spectacle ? Nous ne sommes pas là pour juger des intentions du cinéaste, néanmoins, il est difficile de ne pas être interloqué par les moyens qu’il déploie pour faire de cette triste histoire personnelle un film organisé de toutes pièces. Plus grave encore : en se mettant lui-même en scène prenant soin de sa mère et faisant sans cesse preuve de patience, d’abnégation et de sacrifice (qualités certainement bien réelles au demeurant), il se met en avant, impression que vient renforcer la narration à la troisième personne. Aucune immersion n’est donc possible, et aucun personnage ne suscite de réelle empathie. S’il brille par sa maîtrise formelle, «Walk away Renée » n’atteint à aucun moment la profondeur et l’émotion escomptées.

Sylvia GrandgirardEnvoyer un message au rédacteur

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