VOYAGE AVEC MON PÈRE

Un film de Julia von Heinz

Un mélodrame loin de toute finesse

1991. Une américaine de 36 ans attend son père, ancien déporté, à l’aéroport de Varsovie, après qu’il ait manqué son avion. Elle a en effet organisé pour lui un périple en trains, pour se plonger dans les lieux où il a grandi ou qu’il a traversé, afin de mieux comprendre le passé familial…

Passé par la Berlinale Special en 2024, "Voyage avec mon père" est l'histoire d'un voyage de mémoire d'un duo père / fille en Pologne, comprenant des visites de centres d'extermination. Un voyage d'autant plus important que le père a été lui-même déporté, et que sa fille, aujourd'hui journaliste, souffre du fait qu'il ne s'est jusque là jamais livré sur son passé, préférant le passer sous silence. Débarquant finalement en salles après le récent "A Real Pain", trip du même ordre, comprenant lui aussi un détour plus personnel pour retrouver un lieu important en dehors des camps, celui-ci souffre d'autant plus de la comparaison. Il faut dire que face à la surprenante tonalité tragi-comique de "A Real Pain", porté par le tandem de haut vol Jesse Eisenberg / Kieran Culkin (récent Oscar du meilleur second rôle), ce nouveau métrage dégouline de pathos et souffre du numéro de son actrice principale Lena Dunham, qui cabotine en permanence, poussant à elle seule le lacrymal au delà du supportable.

Face à elle, l'ateur britannique Stephen Fry ("A very Englishman", "Gosford Park", "Oscar Wilde") s'en tire un peu mieux, incarnant le poids d'un passé enfoui sous une épaisse carapace de nonchalance apparente. Si on devine d'emblée la vraie raison pour laquelle celui-ci ne veut pas monter à bord d'un train (le voyage se fera dans un taxi marquant le poids de la religion sur le pays par une photo du Pape accrochée au rétroviseur), le scénario n'aura de cesse, à cette image, d'envoyer des gros signaux, plus ou moins légers, évoquant le désordre affectif de la fille, le désir de récupérer certaines choses autrefois perdues là-bas, ou le poids émotionnel de certains lieux ou objets. Si le passage à Auschwitz est des plus touchants, l'accumulation de tristesse et de gêne sert malheureusement de repoussoir au plus patient des spectateurs. "Voyage avec mon père" joue ainsi les tire larmes jusqu'au bout, dans une révélation finale qui aurait pu légitimement bouleverser si la mise en scène avait fait preuve auparavant d'un minimum de finesse. Avec un tel sujet, si important, s’il peine à convaincre dans l’incarnation de la transmission du traumatisme, le film parvient cependant à toucher par son aspect réconciliation familiale.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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