VOUS N'ÊTES PAS SEULS
Sortir de sa solitude
Synopsis du film
Léo est un jeune homme québécois solitaire, qui travaille pour la pizzeria de ses parents, en effectuant des livraisons de nuit. Alors que sa mère essaye de le caser avec une jeune joueuse de son équipe de volleyball, Rita, celui-ci, lors d’une panne de voiture, se fait déposer par un chauffeur de taxi, John, qui passait par là. Ayant droit en remerciement à une pizza gratuite de la part de Léo, John est déçu que ce ne soit pas lui qui l’ai livrée. Il tente alors de revoir Léo, adoptant progressivement une attitude pour le moins inquiétante…
Critique du film VOUS N'ÊTES PAS SEULS
Voici que sort cette semaine un bien étrange film québécois, aussi charmant par la romance qu’il esquisse qu’inquiétant dans les ressorts d’une histoire de harcèlement recelant des éléments fantastiques. Le film s’ouvre avec un étrange jeu de regards, entre un homme barbu dans une voiture (en réalité un taxi) et un homme au comptoir d’un bar. Jouant avec les reflets, vision kaléidoscopique et effet de projecteur sur le visage du second, pris ensuite de sortes de mouvements suggérant une emprise, alors que le premier se met à baver, le tout se termine au domicile du premier, les deux hommes avançant lentement vers une lumière blanche sortant d’un frigo. Et le second de disparaître à l’intérieur de l’appareil, enclenchant le soulagement du premier, le fameux John.
Avec des mouvements lents ou hérétiques, et des travellings ou zooms qui prennent leur temps, accompagnés d’une musique inquiétante ponctuée de bruits étranges, le tandem Marie-Hélène Viens et Philippe Lupien met en place le mystère autour des agissements de John, chauffeur des Taxi Million, qui semble rapporter ses actes à quelqu’un d’autre, une vieille dame affairée. S’ensuit rapidement le ciblage d’une nouvelle victime, Léo, le livreur de pizza solitaire, qu’une rencontre avec la jolie Rita pourrait bien sauver d’un sort funeste et froid. Car c’est bien sur ces notions de chaud et de froid que le curieux scénario, signé principalement Marie-Hélène Viens, va jouer en permanence, autant avec la figure récurrente du feu, que celle du ressenti de John, désemparé par la perspective que Léo, dont le cœur se réchauffe, puisse lui échapper.
Savamment, Marie-Hélène Viens et Philippe Lupien introduisent d’autres personnages, tantôt étranges (la vieille dame que John rencontre à plusieurs moments dans un diner, façon gang de malfrats préparant un coup), tantôt charmant (Rita, interprétée par Marianne Fortier, à la fois ingénue et curieuse, le regard pétillant du désir de connaître et de revivre un amour), tantôt drôles (la mère de Léo, incarnée par Sandrine Bisson, entremetteuse insistante). Mais si le film fonctionne si bien, c’est que d’un côté les deux protagonistes font dans la sobriété, qu’il s’agisse de Pier-Luc Funk dans le rôle d’un Léo, d’abord fuyant, laissant transparaître un nouvel espoir dans le regard ou de François Papineau dans celui de John, imposant et tranquillement obsessionnel, et que, de l’autre côté, la mise en scène des passages fantastiques joue sur un minimum d’effets. Alors aucune hésitation à se laisser embarquer par cet OVNI québécois, bercé par le récurrent tube « Hélène » de Roch Voisine (1989), et véritable bouffée de chaleur humaine au milieu d’un monde urbain où la solitude souffle un froid qui parfois vous emporte.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur
