VIVRE, MOURIR, RENAÎTRE
L’amour percuté par le SIDA, dans un film bouleversant
Cyril, photographe célibataire, fait la connaissance de son voisin Sammy, conducteur de métro, un fils, en couple avec Emma, qui travaille à l’hôpital, alors qu’il a entrepri des travaux pour son emménagement. Ils commencent à échanger de petits mots afin de se coordonner et de faire en sorte que le bruit des travaux soient le moins gênant possible. Ainsi, les deux hommes se rapprochent et finissent par entamer une liaison, en faisant particulièrement attention, car Cyril est porteur du VIH et sous traitement AZT. Mais Emma les surprend…
Découvert dans la section Cannes Premières en mai dernier, "Vivre, Mourir, Renaître", a été accueilli par une belle ovation. Il s’agit du nouveau film de réalisateur de Gaël Morel, découvert d’abord en tant qu’acteur dans "Les Roseaux Sauvages" de Techiné, avant de réaliser entre autres "À Toute Vitesse", "Le Clan" et le très beau "Après Lui", avec Catherine Deneuve. Il faut dire d’emblée que le film évoque forcément un film culte du début des années 90, "Les Nuits Fauves", de feu Cyril Collard, ceci jusque dans le traitement et les couleurs de son affiche (due en réalité au même créateur). L’approche est cependant différente, moins portée vers l’urgence de la survie que vers l’évolution des personnages, l’arrivée de la trithérapie changeant progressivement la donne d’une mort annoncée.
Le trio d’interprètes, emporté par un Victor Belmondo ("Arrête avec tes Mensonges", et récemment "Elle et Lui et le reste du monde"), qui confirme l’ampleur de son charisme, s’avère bouleversant, par l’attachement qu’ils expriment les uns aux autres, malgré la maladie, comme par l’apaisement qu’ils trouvent dans le beau passage en Italie, faisant contraster lieux idylliques et grandes difficultés. Revenant sur une époque où le VIH était un danger presque immédiat pour la vie, condamnant des personnes en quelques mois ou années malgré les premiers traitements, le scénario mêle élans de survie et urgence créatrice, le vecteur photo revêtant ici une importance particulière, jusque dans la jolie conclusion du métrage.
Il aborde aussi au travers de ce triangle amoureux, les sujets sensibles de l’impact du VIH sur une grossesse, la recherche inconsciente d’un coupable, les conflits entre les homos et leurs parents, ou les questions de transmission en cas de décès. Cela est d’ailleurs l’occasion de l’une des scènes les plus tristes du film, alors que l’un des deux hommes est mis partiellement à l’écart, le temps d’un bonheur de façade. Radiographie indirecte d’une génération percutée par la maladie, "Vivre, Mourir, Renaître" nous porte par plusieurs ellipses d’années en années avec ses attachants personnages, alors que la trithérapie a pu changer le destin de certains, d’un verbe à l’autre. Il fait aussi la place à quelques seconds rôles iconiques, avec Amanda Lear en patronne de bar ou Ellie Medeiros en galeriste, pour mieux représenter une époque et l’élan de vie de victimes et de survivants, qui l’ont rarement été, tout au moins dans le cinéma français.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur