VIÊT AND NAM
Des morceaux touchants pour un puzzle pas complètement maîtrisé
Nam et Viêt sont tous les deux ouvriers dans une mine de charbon. Si leur quotidien peut être des plus pénibles, leur amour leur permet de s’évader de cette réalité souterraine. Alors qu’ils rêvent de fuir vers des contrées plus riches, les fantômes du passé vont ressurgir…
Dès la lecture du titre, une dualité semble émaner du film de Minh Quý Trương, détournant avec malice le nom du pays dans lequel l’action se déroulera. Mais ici les deux entités ne sont pas unies au sein d’un même mot, séparé d’un « and » qui sonne comme une opposition irréconciliable entre deux parties d’un État si longtemps divisé par une guerre meurtrière. De ce conflit, il en sera rapidement question, alors que le spectateur fait la rencontre d’un troisième personnage, mystérieux chaman expert dans la recherche des dépouilles des soldats de cette lutte fratricide. Si l’Histoire rime toujours avec opposition, la promiscuité sémantique prend un tout autre sens lorsqu’on s’intéresse aux humains. Car Viêt et Nam ne sont pas seulement deux collègues mineurs, ils sont amants à une époque où l’Asie du Sud-Est a encore du mal à raconter des relations sentimentales du même sexe.
Sous terre, loin du tumulte de la ville et des stigmates du passé, ils s’étreignent, la poussière de charbon comme des étoiles d’un nouveau monde guidé par l’amour. Sublimement capturées, ces séquences oniriques impressionnent autant qu’elles émeuvent, installant dès les premières minutes une atmosphère poétique où le récit s’efface devant les émotions. Si le jeune réalisateur démontre des qualités plastiques certaines, cette volonté de magnifier chaque instant se perd dans un montage alambiqué où il est bien souvent difficile de réussir à contextualiser et replacer les images exposées. Là où Apichatpong Weerasethakul parvient à faire jaillir le lyrisme de l’épure, Minh Quý Trương recherche trop ses effets, complexifiant artificiellement son œuvre au point de la faire devenir rebutante.
Lent, beaucoup trop engourdi, l’envoûtement s’étiole inéluctablement devant la multitude des sujets invoqués, l’intriguant invitant notamment des désirs d’ailleurs, la quête de soi et l’acceptation des fantômes du passé dans cette romance passionnelle. Affaibli par ses tergiversation scénaristiques, "Viêt and Nam" n’en devient pas pour autant anecdotique, aussi bien pour son esthétisme que par la puissance de ses velléités politiques. Après "L'Arbre aux papillons d'or" récompensé de la Caméra d’Or l’année dernière, cette nouvelle incursion du Cinéma vietnamien sur la Croisette confirme la vitalité d’une nouvelle vague asiatique qui ne devrait pas cesser de nous surprendre. Rendez-vous donc l’année prochaine.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur