VERS UN PAYS INCONNU
Une succession d’impasses
Réfugiés à Athènes, en Grèce, Chatila et Reda, deux cousins palestiniens, dont le premier a laissé femme et enfant au Liban, tentent d’obtenir de faux passeports afin de pouvoir gagner l’Allemagne. Espérant avec une vie meilleure là-bas, ils enchaînent les vols et combines…

C’est le portrait de deux jeunes hommes coincés dans un entre-deux, que nous propose "Vers un Pays Inconnu", remarqué l’an dernier à la Quinzaine des Cinéastes à Cannes. Porté par deux interprètes investis, Mahmood Bakri (vu dans "Alam") et Aram Sabbah, auxquels s’ajoutent le jeune garçon de 13 ans, Mohammad Alsurafa, au bagou aussi impressionnant que nécessaire, que leurs personnages vont prendre sous leurs bras. Derrière la nécessité de survie de chaque jour, finement décrite, se cachent une entraide discrète, de peur que d’autres jouent les profiteurs, et la situation sanitaire de Reda, drogué au bord de la rechute. Décrivant de fragiles contacts avec les locaux, le film aborde aussi les conditions de cohabitation entre réfugiés qui réduisent encore un peu plus leur part d’humanité du fait des lieux (squats…) et du manque d’argent. Il prend ainsi aux tripes grâce à un aspect docu-fiction (il a été tourné en 16 mm) qui n’en fait pas trop côté caméra instable et utilise une BO aux résonances de thriller.
Plutôt identifiable comme tel, grâce à un scénario égrainant savamment des obstacles au projet de ses deux protagonistes, "Vers un Pays Inconnu" utilise avec parcimonie la symbolique (un plan de profil de Chatila, vu au travers des grilles d’un ventilateur, l’assimilant soit à un prisonnier, soit à un animal contraint par une muselière…). Il affirme en tous cas, par l’accumulation d’impasses dans lesquelles se retrouvent les personnages, leur situation d’éternels prisonniers, de Gaza, du Liban, puis de Grèce, dans une spirale où espoir et déception alternent sans relâche. Une œuvre qui interroge la persistance de l’humanité alors que chaque espoir d’échappée est anéanti et que chacun tente inexorablement d’exploiter l’autre.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur