VALEUR SENTIMENTALE

Un film de Joachim Trier

Haute valeur cinématographique

Synopsis du film

Nora est une actrice de théâtre confirmée. Son père, réalisateur de renom et absent depuis des années, revient pour lui demander de jouer dans son prochain film. Mais celle-ci refuse, les douleurs du passé étant encore trop présentes…

Critique du film VALEUR SENTIMENTALE

Depuis ''Oslo, 31 août'', Joachim Trier est un habitué de la Croisette, y présentant notamment en compétition ''Back Home'' et ''Julie (en 12 chapitres) '' qui avait révélé la brillante Renate Reinsve. Pour cette nouvelle sélection au Festival de Cannes, le duo se reforme, la comédienne interprétant Nora, une actrice de théâtre confirmée qui refuse le premier rôle du film de son père, un réalisateur de renom dont le talent derrière la caméra ne compense pas les absences au sein du foyer. Le métrage s’ouvre lui sur une rédaction de sa protagoniste enfant, racontant l’histoire familiale par le prisme de la demeure dans laquelle plusieurs générations ont vécu. Tout n’a pas été de tout repos, comme le symbolise la grande fissure apparue sur l’édifice. On pourrait facilement se dire qu’il est difficile de débuter un récit par une métaphore aussi clichée. Oui, mais Joachim Trier est un virtuose des sentiments humains, restant toujours du bon côté du mélodrame, préférant la pudeur à l’outrance.

Annoncé comme une œuvre bergmanienne, le film s’éloigne en réalité de l’ombre de l’illustre modèle, les malheurs s’incarnant ici par les non-dits et les regards plutôt que par les cris et les mots que l’on regrette instantanément. « On n’arrive pas à se parler » condense ainsi Nora lorsqu’elle cherche à résumer leur relation. Évidemment, il est bien question de l’analyse d’une cellule familiale déchirée par les rancœurs et les fantômes d’antan, mais le cinéaste suit son propre chemin, étoffe sa propre grammaire cinématographique, s’intéressant bien plus à la renaissance possible d’un dialogue qu’aux maux qui ont causé le silence. Récit bouleversant d’un amour filial et exploration déchirante de la sororité, ''Valeur sentimentale'' est un grand film, lauréat du Grand Prix du jury cannois, reposant sur un montage parfait où les coupures brutales au noir réinjectent du réel lorsque l’onirisme de ses situations semblait trop prendre le dessus.

Au-delà de son excellent scénario, Joachim Trier confirme ses immenses qualités de directeur d’acteurs. Le toujours charismatique Stellan Skarsgård nous rappelle l’intensité de son jeu, mais comme sur le précédent projet du metteur en scène, c’est une nouvelle fois Renate Reinsve qui emporte tout sur son passage. Magnétique et d’une justesse saisissante, elle est celle qui permet au métrage de s’exprimer pleinement, d’être toujours dans la nuance, à la lisière d’émotions antagonistes. Marionnettiste de l’âme humaine, le réalisateur norvégien marque un grand coup, évitant l’écueil de l’auto-citation cinéphile avec un drame complexe teinté d’humour noir, parce que précisément il n’hésite pas à faire se tromper ses personnages, ne les jugeant jamais, débouchant sur plusieurs situations cocasses. La très longue standing ovation du Grand Théâtre Lumière n’est pas anodine. ''Valeur sentimentale'' restera l’un des temps forts de cette édition 2025.

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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