URCHIN

Un film de Harris Dickinson

À bout de souffle

Synopsis du film

À Londres, Mike sillonne les rues toute la journée, à la recherche de quelques pounds. Alors qu’il se fait incarcérer suite à un vol avec agression, il ressort de prison avec la volonté de devenir un nouvel homme. Mais les démons du passé ne sont jamais loin…

Critique du film URCHIN

« Avez-vous entendu parler de Jésus ? ». Voici les mots inauguraux du premier long métrage d’Harris Dickinson, acteur remarqué chez Ruben Östlund ("Sans Filtre"), Sean Durkin ("Iron Claw"), ou plus récemment dans "Babygirl" face à Nicole Kidman. Cette interrogation ne s’adresse pas au public mais vise Mike, un SDF égaré dans Londres. Il déambule toute la journée, demande des sous sans obtenir le moindre geste de compassion, s’embrouille avec d’autres marginaux, trouve toujours un subterfuge pour dormir ici ou là. Un jour, un homme décide de l’aider, se montre gentil avec lui, le regarde comme l’être humain qu’il est.

Le film pourrait alors devenir le récit d’une rédemption, d’une chance inespérée. Mais le protagoniste est gangrené par ses maux. Il agresse violemment le bon samaritain. Plus d’échappatoire, le laissé-pour-compte passera par la case prison. C’est le déclic. Huit mois plus tard, il sortira avec une ambition, de la bonne volonté, une place dans un foyer et même un travail. L’incarcération comme expiation ? Pas si simple dans ce film où les personnages ne tracent jamais de lignes droites. Malgré son sujet éminemment social, ce drame s’inscrit moins dans la tradition britannique du genre que dans un désir de lorgner du côté des portraits bruts de l’Amérique des parias façon Larry Clark ou les premiers projets des frères Safdie.

Dans cette œuvre au plus près des corps et des cœurs meurtris, Ken Loach n’est pas le modèle. D’ailleurs, ce qui intéresse le cinéaste n’est pas tant la symbolique de son intrigue, ni même le caractère autodestructeur de son héros auquel il serait facile d’ajouter une bonne dose de pathos, mais bien son âme d’enfant. Comme l’indique son titre, "Urchin" désigne un môme habillé pauvrement. Évidemment, celui-ci est loin d’avoir l’âge pour pouvoir encore être considéré comme un gamin. Mais tous ses comportements sont ceux d’un gosse, dictés par une envie de tout expérimenter, peu importent les conséquences, car ce sont les adultes qui ont des responsabilités, pas les bambins.

Sans être pleinement réussi, comme en témoignent des métaphores souvent trop appuyées (en particulier celle sur l’eau pour laver ses péchés), au point d’inviter des visions fantastiques maladroitement imbriquées, le métrage a le mérite d’assumer un point de vue, de ne pas sombrer dans la facilité de l’histoire basique de réhabilitation. Mike n’est pas un gars sympathique, et cette vérité-là n’évoluera pas. Bien sûr, à certains moments, des spectateurs pourront avoir de l’empathie envers lui, mais la finalité de la trame narrative n’est pas là, elle est plutôt dans ce refus de la romantisation de la misère. Ici, les individus sont seuls, isolés, abandonnés. Il n’y a rien de désirable à avancer au ban de la société. Et "Urchin", à travers la trajectoire de son protagoniste, nous le rappelle à chaque plan.

Avant de devenir John Lennon pour le projet pharaonique de Sam Mendes, Harris Dickinson a su livrer un premier objet cinématographique engagé et détonant, justifiant aisément ses nombreuses sélections en festival, dont le prestigieux événement cannois qui a lui ouvert les portes du Certain Regard (où son acteur principal, Frank Dillane, a même remporté le prix d’interprétation). On espère donc qu’il trouvera le temps de repasser derrière une caméra.

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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