UNE PLUIE SANS FIN
Une Chine sous la pluie
Grand Prix du Festival international du Film Policier de Beaune 2018, "Une pluie sans fin" nous entraîne sous une pluie battante dans les pas de Yu Guowei, le chef de la sécurité d’une usine située dans une ville du Sud de la Chine, qui va mener sa propre enquête parallèlement à celle de la police, pour retrouver le meurtrier de jeunes femmes. Le film se déroule en grande partie en 1997 mais également en 2008 dans son final. Cependant, si elles amènent une conclusion à l’intrigue policière et offrent une vision de l’évolution de cette Chine ouvrière, les scènes qui se déroulent en 2008 détonnent quelque peu avec le reste du long-métrage et son ambiance.
Le scénario est cependant intéressant dans son développement d’une vision nihiliste de la Chine industrielle du Sud à l’aube de la rétrocession de Hong Kong. Ici ce n’est pas tant la capture du meurtrier qui intéresse le réalisateur, mais plus comment un homme devient obsédé par quelque chose, afin de donner un sens à sa propre existence, au point de franchir une certaine ligne rouge. Il faut rajouter à cela la pluie, qui est sans cesse présente et rappelle fortement en cela "Seven" de David Fincher (comme si la pluie devenait l’élément indispensable des thrillers post-Seven). Elle rend ce passé trouble, tout comme la vision des enquêteurs. De fait, cet élément météorologique rend la présence d’un vêtement obligatoire (qui est omniprésent sur l’affiche) : le ciré gris mat. Avec celui-ci l’individu se fond dans la masse, tout devient gris, et on ne peut distinguer de visage, comme si tout au long du film, les enquêteurs traquaient une simple silhouette. Jouant sur cette atmosphère mystérieuse, "Une pluie sans fin", par le rythme un peu lent de son intrigue, manque parfois de nous faire sombrer dans l’ennui. Néanmoins, son atmosphère parvient à nous captiver et certains retournements de situation scénaristiques s’avèrent très intéressants.
Si "Une pluie sans fin" ne s’impose pas comme une pièce maîtresse du film policier asiatique à l’image d’un "Memories Of Murder", il demeure malgré tout un bon divertissement, réussissant à nous tenir en haleine malgré quelques baisses de rythme assez prononcées et une fin en demi-teinte.
Kevin GueydanEnvoyer un message au rédacteurCOMMENTAIRES
Jean-François LAVIELLE
mercredi 5 août - 9h15
Quand un synopsis en cache un autre ; les personnages féminins de ce film sont difficiles à cerner ; Yanzi tout d'abord : elle apparaît au début du film comme une fille légère, sexy, vivant dans un drôle d'endroit et recevant d'une matrone l'ordre d'aller travailler... presque comme une caricature de prostituée, que le héros va tirer d'affaire, en lui achetant un commerce ; mais cela n'est pas explicite ; à deux reprises, elle porte des marques de mauvais traitement, d'abord au visage, puis ensuite des scarifications à l'avant-bras et c'est en vain que Yu la questionnera à leur sujet : on peut se demander si elle n'entretient pas avec l'assassin un rapport SM d'autant qu'à l'annonce de son exécution par Yu, elle se suicide... quant à la "fille" du stade, que Yu va questionner par deux fois : la première fois, elle ne dit pas clairement reconnaître ou non, la photo de Yanzi et parle d'un homme au comportement étrange, sans plus de précision ; la deuxième fois, lorsque Yu lui présente la photo de celui qu'il va assassiner, elle est prise d'un fou-rire éloquent, comme si, elle aussi connaissait l'assassin. Le personnage du commissaire ne manque pas d'ambiguïté : et si c'était lui, l'assassin ?