UN SIMPLE ACCIDENT

Un film de Jafar Panahi

Une Palme tout sauf accidentelle

Synopsis du film

Suite à un accident de voiture, un ouvrier semble reconnaître son ancien tortionnaire. Il décide alors de débuter sa vengeance…

Critique du film UN SIMPLE ACCIDENT

Arrêté une nouvelle fois en 2022 par le régime, le cinéaste iranien, Jafar Panahi, restera profondément marqué par ses conditions de détention, en particulier par les voix et les bruits de ceux qui s’occupaient de lui infliger divers supplices. Il a immédiatement pensé qu’il pourrait y avoir dans cette matière bouleversante le sujet d’un prochain film. Le réalisateur ne s’est pas trompé, ''Un simple accident'' repartant du festival de Cannes avec la prestigieuse Palme d’Or. Pour ceux qui ont suivi le travail de l’artiste depuis de nombreuses années, ce dernier métrage s’éloigne des obligations métaphoriques et de l’autofiction clandestine. Ici, nous sommes dans un cinéma direct, Panahi se contentant de rester derrière la caméra pour capturer un thriller humaniste, haletant et passionnant.

Tout débute, comme son titre l’indique, par un vulgaire accident, sans gravité (sauf pour le chien écrasé). Le propriétaire du véhicule se rend dans un garage pour constater les dégâts. Vahid le reconnaît aussitôt, il s’agit de l’homme qui l’a torturé en prison, qu’il l’a meurtri à jamais. Le son de sa prothèse de jambe, il le reconnaîtrait parmi des milliers. C’était sa seule berceuse lorsque le gardien lui faisait subir les pires sévices. Aucun doute, face à lui, c’est « La Guibole » qui vient de se présenter. Tout va alors très vite, le lendemain, un coup de pelle, un kidnapping, l’enterrer vivant en guise de vengeance, non pas pour pas apaiser ses tourments mais pour au moins assouvir sa rage qui le consume. Oui, mais si ce n’était pas lui ? L’incertitude grandit au fur et à mesure des gémissements du futur condamné.

À partir de ce postulat de polar noir, le drame évolue vers un road-trip improbable, le protagoniste embarquant avec lui un couple de mariés, leur photographe et un bougre toujours en colère. Si eux aussi, passés par la même prison, confirment l’identité de l’individu dans le coffre, le courroux de cette justice improvisée pourra en ce cas s’abattre. Il suffit d’obtenir ses aveux avant. Avec une maîtrise parfaite de sa mise en scène et de l’art du plan séquence, Jafar Panahi nous offre une réflexion exaltante sur l’âme humaine, sur ce qui différencie les bourreaux des victimes, sur la définition de la légalité quand rien ne semble plus légitime et que la corruption a gangrené tous les pans de la société.

Mais plutôt que de s’enfermer dans une mécanique théorique, le film préfère s’appuyer sur des dialogues ciselés pour réaliser l’impensable : nous faire rire de telles atrocités. Panorama choral jouissif, ''Un simple accident'' est une œuvre puissante, où l’art et la poésie viennent conter les tragédies silencieuses. Dans cette quête de vérité, la résolution n’a, finalement, que peu d’importance, l’intérêt se situant dans le chemin de pensée tortueux des personnages. La caméra du cinéaste l’a bien compris, délivrant un message qui touche à l’universel, et récompensé à juste titre de la plus haute récompense cannoise.

Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur

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