TOUT IRA BIEN
Dépossession
Angie et Pat sont deux femmes vivent en couple depuis des années à Hong Kong. Ensemble, elles partagent un vieil appartement, font le marché bras dessus bras dessous, invitent régulièrement chez elle la famille de Pat. Mais le jour où Angie se retrouve seule, suite au soudain décès de Pat, malgré la solitude qui lui pèse, celle-ci souhaite réaliser le vœu de Pat de voir ses cendres répandues en mer. Mais un conseiller spirituel engagé par le frère de Pat affirme que l’âme de celle-ci ne se reposera jamais de cette manière, conseillant la crémation. Débutent alors des tensions entre Angie et la famille de Pat…
"Tout ira bien" est un film d’une rare élégance, soutenue par la qualité de sa photographie, la délicatesse de son scenario et la retenue de son personnage principal, Angie, interprété par Patra Au (vue dans "Un printemps à Hong-Kong"). Teddy Award du meilleur film LGBT au Festival de Berlin 2024, il est depuis passé par le Festival Face à Face, où il a remporté le Prix du public. Si d’autres films avant lui ont abordé le vieillissement chez les couples de même sexe, jusque là on avait surtout remarqué le film "Deux", avec Barbara Sukowa et Martine Chevallier, quant aux rapports entre deux femmes et la famille de l’une d’elles. Ici point de secret sur la nature de leur relation, ce sont les thèmes du deuil et de la transmission du patrimoine qui seront au cœur du métrage, la survivante s’engageant dans un long combat pour notamment conserver leur appartement, synonyme d’un bonheur passé.
L’introduction présente ainsi en quelques scènes une certaine douceur de vivre dans l’appartement, une relation qui semble acceptée (une balade au marché, bras dessus bras dessous), notamment par une grande famille venue dîner. Mais une simple ellipse permet d’enjamber le drame, nous faisant retrouver Angie allongée, accablée, avant d’être seule à table, ou de laisser s’échapper quelques pleurs dans une cabine téléphonique. De simples plans, incarnant en creux la mort de la compagne, Pat, posent ainsi la tristesse dans laquelle va se mouvoir dorénavant Angie. C’est ensuite par petites touches qu’un scénario d’une rare finesse va pointer les premières dissonances avec la belle famille, jusqu’à la tentation de la guerre ouverte, la colère grondant sous l’apparent calme des situations. Une œuvre douce et cruelle, qui pointe à la fois une situation fragile et une volonté farouche de reconnaissance d’un amour. À voir absolument.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur