Bannière Reflets du cinéma Ibérique et latino américain 2024

TOUT CE QUI BRILLE

 

Une comédie de qualité, sympathique et sans prétention

Ely et Lila sont amies et ne se quittent pas. Elles vivent à Puteaux, à 10 minutes de la ville qui les fait rêver : Paris. Elles font alors tout pour participer aux soirées parisiennes qui les font fantasmer et pour se fondre dans un milieu auquel elles n’appartiennent pas. Les masques et les mensonges s’accumulent…

Il existe deux grandes familles de films qui traitent des banlieues françaises. Il y a des films plutôt sociaux, sur fond de drame, avec un aspect plus ou moins critique ou politique, et une esthétique qui flirte parfois avec le documentaire ("La Haine", "L’Esquive"...). Et il y a des films plutôt divertissants, qui prennent une allure spectaculaire ("Banlieue 13"...) ou tentent une approche par le comique ("Le Plus Beau Métier du monde"...). Apparemment, "Tout ce qui brille" est à classer dans la seconde famille. Sauf qu’il ne tombe pas dans les travers quasi inhérents à cette famille-là : le film de Nakache et Mimran parvient à éviter la caricature et les excès.

En fait, les réalisateurs, pour leur premier long métrage, nous livrent une œuvre sans prétention, qui préfère se concentrer sur une histoire d’amitié et travailler finement ses personnages plutôt que chercher le gag à tout prix et risquer la surenchère. Du coup, ça fonctionne et le film atteint une sorte de voie intermédiaire entre les deux familles, en faisant un film social sans le vouloir, par son regard sincère et non stigmatisant, et en parvenant à un degré très respectable de la comédie par le choix d’une relative simplicité.

L’attention portée aux répliques est sans doute l’une des clés de la réussite du film. Elles s’insèrent dans l’histoire comme des évidences, attachées à la personnalité des personnages, plutôt que comme des ingrédients de la comédie. Au final, on obtient des dialogues généralement fluides, et d’un certain réalisme, qui rendent encore plus efficace le rire (ou le sourire, selon les scènes). Les dialogues savent aussi éviter le superflu, voire s’effacer devant les regards, notamment dans les scènes qui laissent d'avantage la place aux émotions.

Dans les deux cas, rires comme émotions, le film tire aussi sa force de la performance de ses comédiens. C’est plutôt rare pour le souligner (surtout dans le cinéma français) : on est face à une très belle galerie d’acteurs ! Leïla Bekhti et Géraldine Nakache abordent leurs rôles avec une fraîcheur qui fait plaisir à voir, Virginie Ledoyen nous livre sans doute l’une de ses performances les plus mesurées de sa carrière, et Linh-Dam Pham est enthousiasmante dans son personnage de top-model déconnecté, prouvant une nouvelle fois l’étendue de son talent après son rôle déjà décalé dans "Le Bruit des gens autour" en 2008.

Cette qualité de la distribution est d’autant plus marquée que les seconds rôles ne servent pas de faire-valoir des personnages principaux, ni de personnages-gags au sens strict. Même Nader Boussandel (beaucoup trop rare sur les écrans, soulignons-le) parvient à insuffler une sensibilité inattendue dans son personnage-gimmick du lourdaud de banlieue qui interpelle les filles par la fenêtre. Manu Payet surprend et montre qu’il est peut-être le nouveau Bernard Campan dans la famille des humoristes qui s’en sortent beaucoup mieux dans des rôles dramatiques. Daniel Cohen délivre quant à lui une performance tout en finesse qui se passe souvent de mots. Enfin, soulignons la présence d'Audrey Lamy dont le jeu semble moins caricatural que sa sœur (Alexandra) et augure donc d’une carrière ultérieure prometteuse.

Tout cela fonctionne aussi grâce à une réalisation qui évite la profusion d’effets inutiles et préfère jouer sur une certaine douceur de l’image, avec même une certaine pudeur comme le symbolise le plan à contre-jour des deux personnages dansant et chantant dans les couloirs du métro. Enfin, comment ne pas mentionner l’idée la plus délirante du film : une soirée branchée dans un Shopi, avec la participation hilarante des gars de La Chanson du Dimanche. Rien que pour cette scène, ça vaut le déplacement !

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

Premier long-métrage de Géraldine Nakkache et Hervé Mimran, cette production mérite bien l'appellation de "film français", tels que nous les considérons aujourd'hui. L'histoire est simple : une amitié entre deux jeunes de banlieue en post-adolescence. A première vue, tout va pour le mieux. Pourtant (il faut bien un élément perturbateur dans tout cela), le sentiment d'être à "10 minutes de leur vie" leur gâche l'existence et leur amitié va se détériorer à la suite d'un enchaînement de soirées branchées.

Une réflexion sur les inégalités sociales ? Ce n'est pourtant pas ce qu'ont cherché principalement à montrer les deux réalisateurs, gardant pour principal objectif le récit d'une amitié forte. Du coup, on a du mal à percevoir l'intérêt de l'histoire et le scénario nous laisse une impression de "déjà-vu". On peut cependant accorder au film quelques plans bien construits et un rythme soutenu pour une comédie sympathique et légère (peut-être un peu trop d'ailleurs pour réellement marquer les esprits).

"Tout ce qui brille" reste donc un film grand public qui ne mérite pas vraiment que l'on s'y attarde. En bref, pour reprendre l'expression favorite des deux actrices, elles sont effectivement à 10 minutes de tout ... même du succès !

Violette Lecoultre et Eléonore Sclavis

Lycée Saint-ExupéryEnvoyer un message au rédacteur

À LIRE ÉGALEMENT

Laisser un commentaire