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TORIL

Un film de Laurent Teyssier

Prendre le taureau par les cornes…

En parallèle de son travail dans une usine de conditionnement de produits maraîchers, Philippe cultive du cannabis. Quand son père agriculteur, criblé de dettes et menacé de saisie, fait une tentative de suicide, le jeune homme est prêt à tout pour sauver la propriété agricole familiale du Sud de la France. Quitte à proposer le hangar paternel à un parrain local comme nouvelle plaque tournante de stupéfiants...

Le début est intrigant : une course camarguaise puis l’installation d’un marché de producteurs maraîchers, comme deux ballets silencieux au ralenti, où les gestes et les regards suffisent. Le taureau est ainsi mis en parallèle avec l’agriculteur endetté : seul contre tous. Dès que les dialogues arrivent, les tensions que l’on pressentait se confirment et le drame arrive aussitôt. Mais un premier problème de crédibilité pointe tout aussi rapidement car on a vraiment du mal à croire que le père se soit tiré une balle dans la clavicule, vu la scène de la tentative de suicide – et plus tard, on aura également des difficultés à accepter la remise sur pied et le changement d’état d’esprit, beaucoup trop fulgurants, du même personnage. Cette scène de suicide pose un autre défaut régulier du film : l’utilisation du hors-champ et de la suggestion en général. Tout comme le choix récurrent des gros plans, ces options de mise en scène semblent parfois dictées par un manque de moyen et/ou d’inspiration et peinent à convaincre – du moins à enthousiasmer.

Malgré tout, on est pris au jeu, happé par la tension que provoquent les choix du personnage principal : un doigt dans l’engrenage et c’est la spirale infernale, avec le poids du secret et de la culpabilité face aux dérives et aux drames qui découlent de ses décisions. L’utilisation du motif taurin continue aussi de créer une atmosphère pesante et de souligner métaphoriquement l’histoire : comme le taureau dans l’arène, Philippe fait face à l’adversité mais il est piégé ! Le bon casting d’ensemble participe aussi grandement à contrebalancer les défauts précédemment évoqués. Vincent Rottiers et Sabrina Ouazani (deux valeurs montantes du cinéma français depuis une décennie) sont impeccables, Bernard Blancan souffre à peine de la construction bancale de son personnage, et le méconnu Tim Seyfi (acteur turco-allemand que l’on a pu voir notamment dans "Head On" et "Geronimo") incarne à merveille ce parrain impitoyable qui achève ses ennemis avec ses taureaux (sans doute la scène la plus originale du film). On peut toutefois regretter que certains personnages, notamment ceux de Sabrina Ouazani et de Karim Leklou, n’aient pas été plus développés.

Raphaël JullienEnvoyer un message au rédacteur

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