THE MOELLN LETTERS

Un film de Martina Priessner

Un racisme qui ne s’archive malheureusement pas

En 2022 se préparait la commémoration des 30 ans d’une attaque raciste sur une résidence turque dans le village de Mölln. Les familles de victimes souhaitaient être au centre de cet événement, mais Ibrahim Arslan, qui avait à l’époque du drame 7 ans, tente de mettre à jour une autre affaire : des centaines de lettres de soutien et de sympathie adressées alors de toute l’Allemagne aux familles, ne leur ont jamais été distribuées. Elles sont restés en Mairie, où elles font désormais partie des archives, et le nouveau maire veut contribuer à faire la lumière sur ce qu’il s’est passé…

"The Moelln Letters" est un documentaire aux implications politiques indéniables, qui aurait pu être un procès sans appel d'un racisme ancré dans la société allemande. Il n’en est pourtant rien, et Martina Priessner choisit de ne pas aborder le sujet de manière trop frontale, afin de laisser une chance au dialogue, l’important étant avant tout que les mots de supports de l’époque puissent être enfin connus et diffusés, auprès des victimes, des familles de victimes, mais aussi du grand public. Celui-ci ne s’est d’ailleurs pas trompé en lui décevant le Prix du public pour un documentaire de la section Panorama du festival de Berlin 2025 où le film était montré pour la première fois.

C’est avec un certain stoïcisme, doublé d'un semblant de naïveté face aux comportements passés (et pour certains présents) qui sont en jeu, que le protagoniste, Ibrahim Arslan, enfant à l’epoque des faits, va se lancer dans une démarche salutaire. S’intéressant en particulier aux mécanismes de négation ou d’oubli qui entourent cette affaire de 306 lettres adressées aux familles, mais jamais reçues par elles (et ayant pourtant fait l’objet d’une réponse pour 255 d’entre elles), la réalisatrice parvient à mettre en évidence la gêne d'un archiviste, aujourd’hui contraint de donner accès à ce matériel et l’inquiétude globale d’un retour en arrière en termes d’exclusions des étrangers. Grâce à des témoignages de familles encore dans la détresse ou le traumatisme, l’affichage d’extraits de lettres, mais aussi la lecture d’une lettre par une personne l’ayant écrite, enfant, l’émotion, elle, est bien présente jusqu’au bout de cet indispensable document.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

BANDE ANNONCE

Laisser un commentaire