THE LIFE OF SEAN DELEAR

Un film de Markus Zizenbacher

Hommage à une personnalité queer, fière, inspirante et méconnue

Synopsis du film

Anthony Robertson, né en 1964, commence son journal intime en 1979 pour raconter sa vie. Celle d’un artiste noir, gay, drag, chanteur du groupe américain Glue dans les années 1980-1990 et qui vivra comme une star parmi les stars : Sean DeLear. Une vie dissolue retranscrite dans ce documentaire à partir des nombreuses archives léguées au réalisateur et ami Markus Zizenbacher…

Critique du film THE LIFE OF SEAN DELEAR

Le film documentaire peut nous offrir des moments de cinéma tout à fait singuliers. Rien que dans les documentaires consacrés à la vie d’artistes musicaux, citons deux bijoux : "Sugar Man" sur un chanteur américain qui ne se savait pas star en Afrique du Sud et "Anvil" sur les pionniers du heavy metal qui n’ont jamais eu la gloire qu’ils méritaient. À ceux-là, il conviendrait d’ajouter aujourd’hui "The Life of Sean DeLear", sur un artiste punk drag rock qui n’aurait rien à envier à un Prince ou un David Bowie ! Son nom ne vous dit certainement rien : Sean DeLear (que vous pouvez prononcer « Chandelier » avec l’accent anglais !) est né dans les années 1960 et a très vite su qu’il aurait une vie de star aux côtés des stars. Ce film retrace donc le parcours d’un homme qui aura défié tous les codes, aspirant à tutoyer les sommets des charts, mais ne rencontrant jamais le succès escompté.

Ce documentaire prend naissance après la parution posthume de ses mémoires, éditées en 2022 sous le titre I could not believe it (aux éditions Semiotexte). L’idée de produire une œuvre complémentaire sur le chanteur vient alors au réalisateur et ami du défunt Markus Zizenbacher. DeLear lui a, en effet, légué tout un matériau composé de vidéos personnelles auto-filmées qui témoignent du tumulte de sa vie. Un matériau qu’il va compléter d’interviews de sa famille, de stars du show-biz ou de simples amis qui ont partagé ou croisé son existence. Zizenbacher réalise ainsi avec "The Life of Sean DeLear" un film hommage mêlant extraits de vieux films tournés au caméscope par DeLear lui-même, montés de manière chronologique, avec des séquences tournées par le cinéaste pour apporter du contexte et des propos en forme de confidences ou de souvenirs.

L’homme a traversé des époques fortes et folles qu’il a vécues intensément : les années sexe, drogue et rock’n’roll, les années SIDA, les soirées gays clandestines, les chasses aux homos par les brigades anti-gays. Il a croisé Andy Warhol et Keith Harring. Il a été le chanteur du groupe rock Glue et a marqué la scène queer de l’époque avec ses tenues extravagantes et drag. C’était une star du milieu underground qui n’a jamais connu la célébrité en surface. Même son clip a été supprimé des écrans de MTV car jugé trop transgressif. Mais il est devenu malgré tout une figure culturelle inclassable à la notoriété certaine chez les noctambules et les célébrités, mais jamais auprès du grand public. Il quitte les États-Unis en 2008 et débarque à Vienne sans connaître personne. Être le seul black sur la scène populaire autrichienne ne l’effraie pas. Il aura d’ailleurs vécu toute sa vie, plein d’insouciance, sans jamais avoir honte de ce qu’il était.

Malheureusement, le film ne rend pas l’hommage que l’artiste méritait. On sent bien l’amour (au sens amical du terme) de Zizenbacher pour DeLear et l’intention de départ est bonne et louable. Mais, premièrement, les films récupérés de DeLear sont de mauvaise qualité. Il convient d’avoir le cœur bien accroché pour supporter les images constamment tremblantes du gars qui se filme en bougeant tout le temps, ne cadrant jamais, ne faisant le focus à aucun moment… C’est parfois incompréhensible, souvent flou, pénible à regarder… Deuxièmement, les compléments de Zizenbacher pour approfondir, contredire, susciter de l’intérêt n’apportent pas grand-chose. Certains témoignages sont amusants comme ceux des stars (l’actrice Susan Tyrell au premier chef) mais sont bien souvent insignifiants à l’image de ceux de la famille (son frère devenu pasteur, sa mère peu loquace) ou d’amis voire connaissances (qu’on a l’impression de plus déranger qu’autre chose).

"The Life of Sean DeLear" est donc un melting-pot d’extraits de vie avec bien peu d’envie de cinéma, un documentaire foutraque à l’image de son protagoniste ! Un journal trop intime qui semble uniquement s’adresser à ceux qui le connaissent déjà. C’est là la plus grosse erreur de Zizenbacher : rater la popularisation de cette icône LGBTQIA+ à travers un film qu’on aurait aimé didactique, émouvant et proche de cette personnalité flamboyante, ce qu’avaient réussi à faire Malik Bendjelloul avec "Sugar Man" et Sacha Gervasi avec "Anvil". Dommage !

Mathieu PayanEnvoyer un message au rédacteur

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