THE INSIDER

Steven Soderbergh est un de ces réalisateurs contemporains que rien n’arrête, pas même quand il annonce sa retraite ! Cinéaste prolifique (déjà deux films de sortis en moins de deux mois avec son film de fantôme "Presence", chroniqué chez nous en janvier dernier) et surtout touche à tout tant il multiplie les variations de genres, au gré d’une filmographie impressionnante passant du film de braquages avec casting XXL (la saga des "Ocean" initiée en 2001 par "Ocean’s Eleven"), en faisant un petit crochet du côté de la « hard » SF avec le remake de "Solaris" porté par Georges Clooney en 2002, et du film d’anticipation (qui s’est avéré prophétique au vu du COVID) avec "Contagion" et son casting All Stars, sans oublier le film politico-thriller-gueule à oscar avec la consécration "Traffic" en 2000 ou encore la comédie musical avec la saga "Magic Mike". Honnêtement, la liste est longue et montre très clairement que Steven Soderbergh est autant un auteur avide de sujets variés qu’un technicien aguerri tant ces propositions ont toujours eu comme but de divertir avant tout.

Il est un de ces héritiers d’un Hollywood dorénavant assez rare, qui aime à raconter des histoires fictionnelles mais ancrées dans le réel, un brin fantasmagoriques mais toujours traitées avec intelligence et malice, ceci sans oublier ici et là de faire parler les flingues autant que les cœurs. On retrouve ici, pour notre plus grand plaisir, un réalisateur en pleine possession de ses moyens face à un sujet qu’il adore : le couple dans des situations peu courantes et aventureuses. Thématique qui jalonne son cinéma, doublée d’un intérêt pour la vie de ces personnes travaillant dans d’obscures agences gouvernementales, le cinéaste s’est toujours paré d’un sourire en coin pour traiter ces questionnements, comme a pu le prouver "The Informant" en 2009. Et c’est avec cette même malice qu’il raconte ici son histoire, l'histoire d'un couple qui tente de rester couple, alors que leur milieu de vie ressemble à un océan remplis de requins et d’obstacles.

Sur un postulat classique des films d’espionnages - une taupe est à débusquer et il se pourrait bien que ce soit votre femme - le cinéaste tire un récit recentré sur 1h33 et se déroulant sur une semaine rythmée, pas dénué de suspense et encore moins de mordant. Ce qui intéresse plus le cinéaste ici c’est bien ce couple qui fonctionne de telle manière qu’il persiste à travers le temps, là où les autres collègues vivent ruptures après ruptures, relations toxiques après relations toxiques. Epaulé par le scénariste David Koepp ("Jurassic Park" entre autres ou récemment "Presence" du même réalisateur), le cinéaste se penche alors sur ce couple, magnifiquement interprété par Michael Fassbender et Cate Blanchett, avec leur réussite et leur famille.

Que ce soit au détour d’une scène de repas dingue, où les invités sont drogués au sérum de vérité ou lors de séquences de tensions qui brouillent les pistes, le duo auteur-réalisateur nous livre un petit thriller qui se permet d’égratigner autant les hautes sphères de nos gouvernements que l’idéal fantasmagorique et illusoire du couple parfait. L’ensemble étant condensé en 90 minutes pétantes, le film ne reste alors qu’en surface de certaines de ces dénonciations, mais on ne peut bouder notre plaisir face à une œuvre qui avait tout l’aire d’être uniquement un petit film, se révèle être un vrai bon entraînement du samedi soir avec casting extraordinaire et rebondissements à gogo. Allez nous chercher du pop-corn, Soderbergh est de retour.