THE BEST MOTHER IN THE WORLD
La rude échappée d’une mère courageuse
Gal vit de la récupération et du tri de déchets plastiques et de verre dans les rues de São Paulo au Brésil. Femme régulièrement battue, elle se demande à chaque fois que son mari, Leandro, veut baiser, les conséquences de lui dire « oui », comme celles de lui dire « non ». Un jour, elle récupère ses deux enfants, la grande Rihanna et le petit Benin, et les emmène de nuit, dans son chariot, prétendant qu’ils partent vivre des aventures…

D’étape en étape, on suit le périple d’une mère décidée à s’éloigner de son compagnon violent, en emmenant ses enfants ailleurs, mais en devant côtoyer la frange d'une existence de sans abris. Rapidement le récit donne à voir ses tentatives pour enchanter des moments d’ultime pauvreté : couchage sous la bâche du chariot, à la manière d’une tente, repas à la soupe populaire, installation sur des cartons dans une rue piétonne… Au delà de l’histoire propre de cette micro cellule familiale en fuite, c’est le portrait d’un Brésil de la marge qui est fait ici, tâchant en contraste de montrer la richesse des rencontres (un autre gars qui récupère aussi des matériaux, mais avec un cheval, une femme en fauteuil roulant qui fait la manche…), l’entraide (l’existence de coopératives locales, les arrêts chez des amis perdus de vue…), mais aussi les obstacles (vols, prédation sexuelle, manque d’argent, refus des matériaux…).
Dans un mélange d’âpreté et de douceur, Anna Muylaert (réalisatrice du formidable "Une Seconde Mère") tente par sa mise en scène d’enchanter ce parcours vers la maison d’une cousine, en insérant un passage dans une fête foraine ou une belle scène de baignade dans une fontaine. Maniant avec intelligence le contraste, elle nous mettra face à une domination masculine des plus toxique, soulignant le rôle de l’alcool et du sexe devenu un « dû », comme la manipulation ou la déconsidération des femmes sous couvert d’une obéissance supposée dont se font complices certaines, peu importe la notion de respect. Ponctuellement glaçant, ce film, passé par la Berlinale Spéciale et triplement primé récemment à Ciné Latino Toulouse (Prix Ciné+, prix du public et Rail d'Oc), doit beaucoup à son interprète principale, Shirley Cruz, qui incarne ici une mère bien décidée à mettre ses enfants et à se retrouver elle-même en sécurité.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur