THE AMATEUR
Bohemian Amateur
Charlie Heller est un cryptographe de la CIA qui vit un mariage heureux avec Sarah. De nature introvertie, mais doté d’une intelligence supérieure à la moyenne, Charlie voit sa vie bouleversée lorsque sa femme se fait assassiner lors d’une prise d’otage à Londres. Alors que sa direction insiste pour qu’il prenne des vacances, Charlie va entamer une chasse aux hommes responsables du meurtre de sa bien aimée…

Il est loin le temps des films d’actions bourrins des années 80-90 avec ses stars testostéronées, ses blagues bien senties et son action décomplexée. Le genre a subi une évolution majeure passant de stéréotypes tout muscle dehors à des héros malmenés et en position presque de faiblesse. Qui ne se rappelle pas de la révolution "Die Hard" (premier du nom en 1988 de John McTiernan) avec son protagoniste toujours au mauvais moment au mauvais endroit ? Un leitmotiv narratif qui traversera les époques, chacun voulant répliquer sa version d’un John McClane dépassé par les événements et meurtri par ses péripéties. Et arrive Jason Bourne sous la houlette de Doug Liman en 2001 avec "La Mémoire dans la peau" qui va rebattre de nouveau les cartes du cinéma d’action : désormais le héros est trahi par son pays et doit faire preuve autant d’ingéniosité que de force pour échapper à un gouvernement qui demande du sang suite aux attentats du 11 septembre 2001 aux États-Unis.
Et c’est bien toute cette mouvance post attentats qui imprégna le genre jusqu’à encore aujourd’hui avec ses caméras tremblantes, son montage à la limite de l’épileptique et des histoires qui mettent en place des ennemis qui viennent cette fois de l’intérieur. Que ce soit Paul Greengrass qui reprendra le flambeau de la saga Bourne dès le second épisode ou Tony Scott et ses "Domino", "Man on fire" ou encore "Déjà-vu", l’esthétique du film d’action est empreint de chaos formel pour rendre compte de la panique dans laquelle se trouve le pays, voire le monde. Bon nombres de productions essayent depuis d’imiter ce style sans en comprendre la substantifique moelle ni la grammaire cinématographique, quitte à devenir un cache-misère pour pallier au manque de mise en scène et de vision. Arrive là-dessus "John Wick" en 2014 et ses chorégraphies millimétrées qui en remet une couche et on ne peut pas dire que l’amateur de sensations fortes et de patates de forains soit en manque.
Et la venue d’un projet comme "The Amateur" au milieu de tout ça ne peut qu’être une bonne nouvelle. On sent que le cinéaste James Hawes ("Une vie" avec Anthony Hopkins en 2023) et ses scénaristes ont voulu adapter le bouquin de Robert Littell (paru en 1981) qui s’attarde sur un héros quasiment incompétent lorsqu’il s’agit du sale travail sur le terrain. Et en ça la description de ce personnage introverti campé par un Rami Malek qui en fait un peu trop au niveau des mimiques est peut-être le seul vrai point positif du film. De son métier de cryptographe à sa nature même, rien ne le prédisposait à devenir un héros d’action. Hélas tout bascule lorsqu’il s’agit de mettre cette jolie idée en scène et ce malgré une première séquence de confrontation à coup de pollen qui augure le meilleur.
L’équipe chargée de ce projet n’a visiblement fait qu’effleurer son sujet en nous transformant ce rat de bibliothèque en super agent en quelques plans. On veut bien croire que son QI soit extraordinaire, qu’il soit capable de créer toutes les bombes possibles et imaginables à partir d’une brosse à dent et d’un slip (boutade bien entendu), mais notre suspension d’incrédulité a des limites et cette transformation le film ne s’y attarde pas suffisamment. Alors que les prémisses du film promettaient un métrage centré sur l’exploration psychologique de son personnage tiraillé entre son désir de vengeance et son incapacité émotionnelle à y arriver, le reste des situations ne viendra pas creuser ce point intéressant. Tout comme la normalisation de l'ultra surveillance dont le protagoniste use et abuse à ses fins n’est même pas un sujet en toile de fond, juste présent de la façon la plus banale possible.
Ce qui aurait pu être un constat glaçant se transforme en gimmick scénaristique pour aider notre héros ou encore pour rendre encore plus alambiqué un script qui n’en avait clairement pas besoin. On passe autant de temps du côté de Charlie que de ses employeurs et leurs coups politiques, quitte à ne plus savoir de quoi veut traiter le film. Et quand la séance se termine et qu’on se dit que ce bon vieux Rami Malek a réussi à trouver sa voie et connecter pleinement avec lui-même grâce à la mort de sa femme, c’est qu’il y a un problème de caractérisation et nous oserons nous dire, de cinéma tout court. Assez amateur comme résultat finalement.
Germain BrévotEnvoyer un message au rédacteur