STRIP TEASE INTÉGRAL

5 portraits de l’air du temps

Cinq portraits de personnalités hors du commun traduisant des tendances ou des faits de société. Des influenceuses, une femme qui se lance dans le théâtre, une mère adepte du zéro déchet, un médecin hypocondriaque, un médecin légiste…

Beaucoup des jeunes spectateurs ne connaissent sans doute pas l’émission télé belge Striptease, série documentaire diffusée de 1985 à 2012 (900 sujets réalisés), ayant connu de multiples rediffusions, dont le principe à l’époque novateur était de proposer des portraits de personnes, souvent dans la vie de tous les jours, en laissant tout commentaire de côté, les protagonistes devenant le seul sujet. Ses créateurs, Jean Libon et Marco Lamensch sont depuis passé au long métrage avec des documentaires éclairés tels que "Ni Juge Ni Soumise" ou l'excellent "Poulet Frites", issu lui-même de rushes de l'émission. Pour célébrer les 40 ans de l’émission, Le Bureau et Apollo Films nous proposent cet épisode spécial, mettant en boîte pas moins de 5 portraits différents, en lien toujours avec l'air du temps : les influenceurs et l’argent facile, le stand Up et l’envie de divertir, l’obsession écologique, le surmenage des personnels soignants, la possibilité de changer de vie.

Le film s’ouvre avec le portrait hallucinant d’indécence d’une influenceuse ("L'Odeur de l'essence"), accompagnée de deux autres (un homme et une femme) dans un voyage à Dubaï, où elle va devoir encourager ses suiveurs (« followers ») à investir dans des appartement de luxe dans une ville tentaculaire. Les dialogues révélateurs d’une déconnexion avec la réalité en termes de revenus comme d’enjeux sociaux ou environnementaux débouchent sur une pathétique et exhibitionniste visite d’un quartier « pauvre » appelé le ghetto, où vivent les vrais locaux. On rit jaune face à d'odieux dialogues qui laissent bras ballants dans leurs contradictions (« on est simples, mais refaites », « je n’ai pas besoin d’amis »), et cette puissante symbolique d’un monde à deux vitesses qui ne tourné plus rond. Suit le portrait d’une femme désireuse de changer de vie ("Miroir, mon beau miroir") à l’aube d’une probable fin de carrière et se lançant dans le one woman show en Off du festival d’Avignon. Le reportage met à la fois en exergue, avec un certain humour, les conditions désastreuses d’exercice des intermittents hors système et des artistes inconnus (voir la taille de la salle et surtout de la pseudo loge derrière un simple rideau), l’égocentrisme indispensable à ce genre de mise en avant de soi, et les problèmes inhérents aux couples qui « travaillent » ensemble, le mari donnant un coup de main technique, tout en gardant un regard lucide sur ce qui se passe.

Troisième portrait, un peu plus court, celui d’une mère obsédée par les gestes écologiques "Zéro Déchet"). Entre explications des avantages des lingettes tissus lavables comme papier WC, récupération de vieux vêtements, bocal à chantilly, on assiste à des injonctions sur le zéro déchet auxquelles certains membres de la famille renvoient quelques contradictions ou oppositions. Assez incroyable, le quatrième portrait est celui d’un médecin exerçant en hôpital ("Les Antécédents Familiaux"), particulièrement préoccupé par sa propre santé. Proche de la comédie, ce segment montre comment la recherche d’antécédents familiaux et la proximité de collègues compatissants, ne va faire qu’emprirer son caractère hypocondriaque. Agaçant pour son entourage, surtout considérant la situation de sa femme, que l’on découvrira sur le tard, le personnage est néanmoins étrangement attachant et l'ensemble au final très émouvant. Enfin, apres quelques prémisses entre les autres segments, par de petits inserts (notamment des policiers apportant un cadavre dans un sac), le dernier portrait sera, clinique et froid, celui d’un homme pratiquant des autopsies ("Bidoche"), dont on découvrira dans les dernières minutes l’étonnante autre vie, tel un ultime contraste. Dévoilant des vies aussi quelconques que hors du commun, "Strip Tease Intégral" observe ses sujets à la bonne distance, symboles d'un monde moderne inquiétant, sans jamais les juger, chacun étant libre d’y voir ou d’y projeter une certaine tendresse ou une autre sensation.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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