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SPIDER-MAN 3

Un film de Sam Raimi

La tragédie de l'araignée

Peter Parker a finalement réussi à trouver un équilibre entre ses obligations de héros et son dévouement envers M.J. Malheureusement, une tempête se dessine à l’horizon. Lorsque son costume change, devenant noir comme le charbon et augmentant ses pouvoirs, Peter se voit changer également, donnant libre cours aux aspects les plus sombres de sa personnalité comme sa soif de vengeance. Sous l’influence de ce nouveau costume, Peter devient trop sûr de lui et commence à négliger les gens qui comptent le plus…

Enfin ! Voilà trois ans que l'on attendait le retour du Roi des Super-Héros, sous la houlette du génie Sam Raimi. Dès le générique (magnifique), la note d'intention est donnée : plus sombre, plus touffu, plus complexe. Nanti d'un budget faramineux, Raimi clôt dans le fracas et les larmes sa formidable trilogie entamée il y a cinq ans. On le sait, Sam Raimi a toujours été un grand formaliste (on conseillera aux sceptiques la vision du génial "Evil Dead 2") et son travail sur la saga de l'Homme-araignée ne pouvait que s'inscrire dans une œuvre aussi riche et cohérente. Ayant réussit l'exercice difficile de l'adaptation parfaite, esthétique et thématique, d'un comics (le premier "Spider-Man"), puis après avoir confronté son personnage à son aspect le plus mythique ("Spider-Man 2", ou la naissance douloureuse du surhumain !), le fou furieux du Michigan se devait d'aller encore plus loin.

Dès le premier combat, époustouflant, entre Peter Parker et le New Goblin, Raimi fait le pari de la transposition littérale de l'énergie inhérente au comics. Par l'intermédiaire de plans-séquences hallucinants et de pauses iconiques jouissives, il parvient à retrouver la fureur des combats dessinés, ajoutant au dynamisme des cadrages un authentique mouvement cinématographique. Libéré de toutes contraintes, le cinéaste retrouve la spontanéité et la 'couleur' toute bédéphilique de son séminal "Darkman", tout en permettant aux acrobaties aériennes du Monte-en-l'air d'atteindre un niveau d'intensité encore jamais vu (quelle plus belle image que celle du Tisseur, vêtu de noir, volant avec la grâce qu'on lui connaît au dessus de Manhattan ?). La suite ne fera jamais défaut à cette mise en bouche affolante, les scènes les plus démentes se succédant à un rythme parfois infernal (la scène de la grue), des effets-spéciaux irréprochables ayant permis les plus folles extravagances (le combat final pendant lequel Spidey tourne autour de Venom en construisant une cage sonore autour de lui, est ainsi un grand moment de virtuosité pure).

Mais ce n'est pas tout. Non content de révolutionner (à jamais ?) les codes esthétiques et formels du cinéma-comics (à ce titre, c'est avec impatience que l'on attend le "Hellboy 2" de Del Toro), Sam The Man se rappelle à nous comme le grand conteur qu'il est, ayant toujours eu soin de mettre ses délires visuels au service d'une histoire (on en revient à "Darkman" ou, dans un autre genre, au western "Mort ou vif"). S'inscrivant dans la continuité narrative des deux premiers opus, le scénario (écrit par Sam et son frère Ivan Raimi) reprend les grandes lignes de ses aînés (la fin de l'adolescence et le passage à l'âge adulte, la découverte du héros qui sommeille en chacun de nous, l'endurance face aux épreuves...) pour les mener sur des rivages émotionnels rarement atteints. Autour du microcosme formé par le couple Peter / MJ (Tobey Maguire, génial, et Kirsten Dunst, plus belle et émouvante que jamais), l'histoire multiplie les personnages, et les intrigues, secondaires, forçant le spectateur à combler lui-même les trous d'un scénario volontiers elliptique. Clins d'oeil aux fans de l'Araignée (le sauvetage de Gwen Stacy, le docteur Connors sans son bras...), toutes ces déviations ne servent finalement qu'à une seule chose : permettre au super-héros de redevenir un homme !

Contrairement au second épisode, dans lequel Peter Parker finissait par devenir Spider-Man, il s'agit ici à Spider-Man (adulé par la foule, roulant des pelles à qui le veut bien, ignorant la détresse de la douce Mary Jane parce que, littéralement, au-dessus des hommes) de redevenir Peter Parker. Le propos est gonflé, et c'est là qu'intervient le point névralgique du film : le pétage de plomb total d'un Parker se rappelant à nous à travers ses pires défauts. La mèche rebelle, le regard arrogant, Peter se comporte comme un sagouin, drague la blonde Gwen sous les yeux de sa belle rousse, dénonce son rival Eddie Brock et va jusqu'à « tuer » Harry Osborn dans une scène de combat à visages découverts étonnement brutale ! Sans effets-spéciaux (ou presque), par une direction d'acteurs frôlant la perfection et un sens du cadrage stupéfiant, Sam Raimi nous livre les clés de son film, préférant filmer des personnages humains là où l'on attendait des personnages héroïques ! Foudroyant !

Et les méchants, me direz-vous ? S'il y a bien un défaut dans "Spider-Man 3", il se situe ici. Autant le personnage délicat du Sandman (magnifique Thomas Haden Church) est traité avec un aplomb stupéfiant, autant Venom est quelque peu délaissé. Alors que l'Homme-sable s'inscrit dans la logique de la saga, étant relié aux évènements principaux qui ont présidé à la naissance du héros, le monstre arachnéen est un peu relégué au rang de faire valoir esthétique (dieu que Venom est beau !), toute sa puissance étant amoindrie par un traitement peu favorable (s'il reste le double négatif - reporter et monstre - de Peter Parker - reporter et héros - Venom ne fait pas vraiment avancer le schmilblick).

On pourrait encore écrire des pages et des pages sur ce film phénoménal, mais on serait loin de lui rendre justice. Comme je le disais dans l'édito, "Spider-Man 3" est à ce jour le blockbuster le plus ambitieux (puisant dans l'homme ce qui fait le héros), le plus émouvant (le dernier plan - sublime - où, les yeux dans les yeux, deux êtres tels que vous et moi trouverons la force d'aller de l'avant), le plus beau (la naissance de Sandman restera dans les annales, par la puissance poétique qui se dégage de cette scène), le plus exigeant (quand même, quel script !) et le plus virtuose vu sur un écran de cinéma depuis "le Retour du Roi" de Peter Jackson. Une telle invitation, ça ne se refuse pas. Vous savez alors ce qu'il vous reste à faire !

Frederic WullschlegerEnvoyer un message au rédacteur

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