SLOW
Un véritable coup de cœur pour ce couple
Synopsis du film
Un jour, Elena, professeure de danse, donne un cours de danse dans lequel se trouve un élève muet. Pour aider ce dernier à comprendre le cours, Dovydas, un traducteur en langage des signes, participe au cours. Les deux adultes font alors connaissance avant de décider de se revoir et de débuter une relation. Mais alors que celle-ci est de plus en plus solide, Dovydas se confie à Elena pour lui annoncer son asexualité…
Critique du film SLOW
Présenté à Sundance en 2023, ce film aura mis plus de deux ans à trouver le chemin des salles de cinéma françaises. Et pourtant, "Slow" présente toutes les qualités d’un film qu’on a envie de faire découvrir au plus grand nombre en plus d’être vraiment atypique : d’abord parce qu’il s’agit d’un métrage letton (vous pourrez enfin dire que vous avez vu une œuvre de fiction de Lettonie si on ne compte pas "Flow", qu’on rangera plutôt du côté des films d’animation), et parce qu’il parle d’un couple homme-femme confronté à l’asexualité (vous ne pourrez alors plus dire que vous ne savez pas ce que c’est !).
Ce deuxième long-métrage de Marija Kavtaradze traite de cette orientation sexuelle peu connue qui toucherait 1% de la population mondiale. Il interroge frontalement la non-sexualité dans un couple, mais pas celle qui viendrait plus classiquement de la femme. Ici, c’est l’homme qui vit cette situation de non-désir de sexe, questionnant la suprématie masculine dans le sexe et le rôle de l’homme dans une relation, alors même que le masculinisme assoie de plus en plus son idéologie pourrie dans la plupart des pays occidentaux. "Slow" s’empare donc d’un sujet rarement vu au cinéma et dresse le portrait d’un couple « paranormal » ; de « para » qui désigne « à côté » pour signifier la singularité de celui-ci : à côté de la norme.
Mais dans le film, Elena et Dovydas cherchent réellement à faire fonctionner leur couple dans la société d’aujourd’hui. Et on y croit, parce que leur amour saute aux yeux, se vit à l’écran, comme une évidence. Avec beaucoup de tendresse, Marija Kavtaradze filme les émois d’un couple dans le partage, dans le soutien mutuel, dans la connexion spirituelle et gestuelle, et pose des questions, de prime abord, graves : un ménage peut-il se passer de sexe ? Surtout quand un seul des deux est concerné par l’asexualité. Est-ce que l’acte est si vital que cela ? Quelle est la finalité du sexe facile, du coup d’un soir ? À chacun de mettre le curseur sur sa propre vie et ses désirs, bien sûr, mais peut-être, faudrait-il bousculer nos croyances, cesser d’ériger en vérité nos clichés sur la construction patriarcale de la domination masculine dans le couple et accepter davantage d’ouvrir son esprit à d’autres normes moins figées !
Et tout dans "Slow" confère à ce récit nouveau pour nous ouvrir, dans la bienveillance, à d’autres réalités. Tout est subtilement cohérent, l’histoire est incroyablement fluide (de la rencontre aux questionnements du couple). Le casting est d’une justesse folle. Comment ne pas avoir de coup de cœur pour ce couple formé par Kestutis Cicenas, grand gaillard aux fragilités imperceptibles et à la force tranquille, et par Greta Grineviciute, petit bout de femme chamboulée dans ses certitudes. Tous deux provoquent une vive émotion qui ne vous lâchera pas, même longtemps encore après la projection.
Mathieu PayanEnvoyer un message au rédacteur