SLOCUM ET MOI

Vers une compréhension mutuelle entre fils et père

L’après-guerre des années 50. Dans leur petit pavillon, aux bords de la Marne, François, adolescent de 11 ans passionné de dessin, a du mal à communiquer avec son père. Il découvre alors que son père, à la place du potager, a décidé de commencer la construction d’un bateau, réplique du voilier du célèbre navigateur Joshua Slocum, décédé au début du XXe siècle. Interessé lui aussi par la mer, il va trouver là un moyen de se rapprocher de celui-ci…

En grande partie autobiographique, le scénario du nouveau film d’animation de Jean-François Laguionie (le très beau "Le Tableau", le sublime "Louise en Hiver", le plus ancien "Le Château des Singes" et sa suite moins réussie "Le Voyage du Prince"), renomme l’auteur François, jeune collégien de 11 ans, attiré par le dessin, et se focalise sur les difficultés de celui-ci, dans l’après guerre, à communiquer avec son père adoptif. Surnommé Slocum (du nom du navigateur qui effectua le premier tour du monde à la voile en solitaire, en plus de 3 ans, à la fin du XIXe siècle), cet homme, rapidement représenté comme taiseux, un béret vissé sur la tête, en permanence la clope au bec, les sourcils froncés, deviendra au fil du film l’objet d’une fine observation, l’auteur se contentant d’une voix-off ponctuelle pour décrire le ressenti du fils. Construisant en contrastes, d’un côté une complicité avec la mère (séances de cinéma d’époque à l’appui…), et de l’autre une relation ambiguë à une figure paternelle rigide mais bienveillante, à laquelle il faut tenter de plaire, dont le lien se fera par leur passion pour la mer, Jean-François Laguionie représente avec juste ce qu’il faut de distance, sa propre évolution dans un monde où les rationnements sont encore en vigueur, et le début d’une reconnaissance et d’un respect mutuel.

Avec une technique d’animation traditionnelle aux crayons de couleurs, élégante car permettant les variations dans les niveaux de détail des décors, et visiblement aidée par le numérique pour quelques mouvements des personnages ou le volume de certains objets, "Slocum et Moi" est une œuvre peut-être moins bouleversante que "Louise en Hiver", mais parvient à toucher par son portrait d'une famille et ses dysfonctionnements, vue par le tendre regard d’un adolescent. Fin récit de passage à l'âge adulte, utilisant le chantier du bateau comme une parabole d’un jeune homme qui grandit en même temps, le film nous rend attachants deux personnages en manque de connexion, qui utilisent cet objet comme élément de collaboration, aidant aussi au dénouement de certains non-dits. Un film qui souligne tout de même que l’évasion ou l’accomplissement ne passe pas pour tous, par les mêmes logiques, marquant ainsi une divergence de vue sur la vie, entre ce père et son fils.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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