SIRENS CALL
Une fascinante communauté
Una s’identifie comme hybride, une sorte de chimère, de signe d’une évolution en cours. Elle est une sirène, comme d’autres, partiellement humaine, mais encore incomplète…

Une voix qui nous accompagnera durant une bonne partie de ce documentaire-fiction particulier, tente de nous décrire, sur des images d’écailles blancs, de scène et de fumée, l’évolution que représente notre héroïne, Una. Dans sa chambre d’hôtel, celle-ci, les cheveux bleus (mais elle a d’autre perruques - et lentilles -, d’autres couleurs), respire de la vapeur par un masque, et passe son temps immergée dans un bain, quand elle ne mange pas… des algues. Autour des lumières de la nuit, celles d’une fête foraine, elle observe les humains, jusqu’à retrouver les siens.
"Sirens Call" est un documentaire-fictiohn en forme de road-trip dans l'Amérique consumériste d'aujourd'hui, aussi troublant que captivant, permettant de découvrir toute une communauté, dont la transformation va au-delà du simple travestissement (certains en voyant ses membres et leurs « costumes » penseront forcément à l’art du Drag), interrogeant une véritable transformation, au-delà des aspects politiques ou militants. Une transformation que le film incarnera dans une conclusion aussi onirique qu’elle flirte avec le fantastique ou une forme de body-horror apaisé.
Évoquant l’apparition d’un peuple de sirènes (ou Merfolks), incluant aussi bien Mermaids (pour les femmes) ou Mermen (pour les hommes), le film est chapitré en une petite dizaine de parties, évoquant étonnamment les conséquences du changement climatique par des bribes d’infos télés disposées ça et là, puis présentant toute une tribu de Merfolks colorés apparaissant au bord d’une rivière vers Portland. Chacun et chacune a droit à son petit portrait, dominé par une couleur particulière, et peut évoquer différents sujets liés à son personnage : identité, dureté d’un père, oppression, bigoterie, transidentité, contact avec les aliens, désir d’implants…
Jouant sur des effets kaléidoscopiques, de déformation de la vision dans l’eau, de superposition de photos et baignade sous-marine, la mise en scène joue la carte d'un kitch cohérent (le labyrinthe aux colonnes couleurs flashy…) dont ressort une certaine fascination. L’utilisation des sons, comme de la musique (un hard rock soudain, une évocation des rouleaux des vagues, une musique hypnotique…), joue la surprise permanente. Et Miri Ian Gossing et Lina Sieckmann incluent également une partie fictionnelle, avec le voyage entrepris par l’héroïne, bientôt rejointe par son amie, Math, n’hésitant pas à inclure quelques touches d’humour bienvenues (la lecture du futur avec les cartes de tarot, la chanson faite de vibrations…).
Grâce à "Sirens Call", on découvre avec étonnement un mouvement qui brouille bien évidement les questions de genre, mais qui s’inscrit au delà du spectacle de sirènes (qu’on aperçoit dans la partie en Floride), dans une existence choisie en réaction à la société d'aujourd'hui, le personnage central finissant par émouvoir dans sa quête.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur