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LES SEIGNEURS DE LA GUERRE

Un film de Peter Ho-Sun Chan

Seigneurs et saignants

Trois hommes, réunis par le destin, se jurent fidélité et allégeance lorsqu’ils prennent la tête d’une des armées déployées par l’impératrice pour mater la rébellion qui fait rage dans le pays. L’alliance d’un ancien officier autrefois vaincu et de deux brigands donne des merveilles : à eux trois, dotés d’un inaliénable courage, ils parviennent à repousser la rébellion jusqu’à un point encore jamais atteint…

Grosse production et énorme succès en Chine, « Les seigneurs de la guerre » dégaine ses qualités essentielles comme des armes de destruction massive dès les premières minutes : un trio d’acteurs illustres et particulièrement « bankable » (Jet Li, Andy Lau, Takeshi Kaneshiro), une histoire d’amitié et de trahison inspirée de la Grande Histoire (sous couvert du notoire « les personnages ont vraiment existé »), une effusion de spectaculaire mise au service d’une mise en scène relativement sobre compte tenu de l’habituel manque de sobriété de ce genre de productions, le tout visant à faire converger les destinées des trois protagonistes au centre de l’intrigue.

C’est presque le débarquement de Normandie mais sans les nids de mitrailleuses et les blockhaus, et avec en guise de plages les paysages naturels de l’arrière-pays chinois. Pourtant, le film surprend ; la machine attendue n’est pas si machinale. Le metteur en scène Peter Ho-Sun Chan connaît bien ses atouts (il est aussi et surtout producteur) et n’a aucunement besoin de bluffer pour gagner la partie : faisant fi d’un esthétisme excessif, il prend le risque de préférer au découpage forcené et aux abusifs ralentis, l’usage des plans rapprochés et des gros plans qui scrutent littéralement les visages – et les âmes – de ses protagonistes.

Le schéma des trois héros est somme toute assez classique mais fonctionne admirablement : devenus comme frères après avoir prêté serment, ils se font chacun l’allégorie d’une certaine vision du monde – la stratégie militaire, l’honneur et l’idéalisme. Leur triangle est le centre névralgique d’un film qui passe aisément du spectacle guerrier à l’intimisme politique, et toujours avec une même inspiration (scènes de batailles et de dialogues filmées avec une égale intensité), au risque de prendre le contrepied des attentes du public : la grande bataille du film par exemple, qui est aussi l’objectif militaire principal, n’est ainsi pas du tout montrée !

De la même façon, le film, dont les deux tiers sont essentiellement voués à l’expédition militaire et aux rapports émotionnels, change complètement de face dans sa dernière partie pour devenir profondément politique, tout en conservant, avec justesse, l’excellente problématique du triangle héroïque. Résultat ? « Les seigneurs de la guerre » est une œuvre prenante, parfois un poil trop emphatique, mais souvent impressionnante.

Eric NuevoEnvoyer un message au rédacteur

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