Bannière Festival de Sarlat 2024

SAYA ZAMURAI

Un film de Hitoshi Matsumoto

Il était une fois, un Samouraï sans épée

À la mort de sa femme, le samouraï Kanjuro Nomi n’a plus goût au combat et se sépare de son sabre. Recherché pour avoir renié son seigneur, il erre dans la forêt suivi de sa petite fille Tae. Malheureusement les fugitifs sont très vite repérés et le vieil homme est condamné à « l’exploit des 30 jours ». Pendant un mois, il devra tenter de redonner le sourire au Prince, profondément triste depuis la mort de sa mère...

Deauville, 8 mars 2012, un réalisateur présente son film au festival du film asiatique. Il salue, ouvre un éventail aux couleurs nippones et hurle à l’assemblée : « Putain, j’adore… Jean-Pierre Pernaut ! ». Cet homme c’est Hitoshi Matsumoto. Très connu au Japon pour avoir créé avec son copain d’école, le célèbre duo comique « Downtown », il est l’incarnation de l’humour japonais avant-gardiste. Acteur, chanteur, animateur télé et écrivain, l’homme orchestre est depuis quelques années passé derrière la caméra en relatant les aventures d’un homme surhumain capable de se transformer en géant pour débarrasser Tokyo de monstres divers et variés. Son deuxième film, « Symbol » voyait un homme piégé dans un grand cube blanc orné de multiples zizis de chérubins, qui, lorsqu’on appuie dessus déclenche un événement susceptible de le libérer.

Vous l’aurez compris, l’univers de Hitoshi Matsumoto est totalement déjanté et c’est un réel plaisir de le voir enfin distribué en France avec sa dernière œuvre « Saya zamurai ». Construit comme un conte pour enfant, le film retrace le savoureux calvaire d’un samouraï déchu, condamné à faire le pitre pour que le fils du seigneur retrouve le sourire. Les premières minutes sont assez déconcertantes car on comprend très vite que le film sera entièrement consacré à l’énumération journalière des gags imaginés par le vieil homme. Cependant, contre toute attente - et c’est là le génie de l’auteur - on se voit totalement happé par cette quête absurde et répétitive. Minutieusement orchestrés, les défis se succèdent dans des registres différents. Un jour il se dessine un visage grotesque sur le ventre et le jour d’après il fabrique des machines démesurées capables de le transformer en homme canon.

Le comique est d’autant plus accentué que le vieil homme est totalement flegmatique. Son visage est figé, dénué de toute émotion. Paradoxalement, sa petite fille a un caractère bien trempé. Orgueilleuse, elle se désespère de voir son père si résigné et n’attend qu’une chose : qu’il se fasse hara-kiri pour mourir en vrai samouraï. Pour trancher avec la froideur de leur relation, le réalisateur dispose autour d’eux une belle galerie de personnages pittoresques : la joueuse de cithare, le garçon méché aux pistolets et le chiropracteur tueur. Aussi stupides qu’habiles ils ponctuent l’histoire de leurs bourdes et de leurs répliques saugrenues. Plus proches du samouraï, deux gardes sont eux aussi hauts en couleurs. L’un est malin alors que l’autre est savoureusement idiot avec sa bouche continuellement ouverte et ses chansons paresseuses. Tous deux prennent progressivement l’homme en pitié et se mettent en tête de vouloir l’aider à trouver LE gag qui le sauvera de la mort, aussi loufoque soit-il.

Le pari d’un tel scénario était risqué, or Hitoshi Matsumoto a réussi à trouver le juste équilibre entre le burlesque et le charmant. Très bien construit, le récit jongle entre le défi cynique de la peine infligée et la quête silencieuse du père pour retrouver le sourire de sa petite fille. Une intelligence d’écriture qui portera dignement le film jusqu’à son épilogue, beaucoup moins attendu qu’on ne pourrait l’imaginer. À ce propos je vous suggère de rester jusqu’à la fin du générique car il y a un petit bonus. Simple et sans prétention« Saya Zamurai » est donc une petite perle japonaise qui se savoure le sourire aux lèvres. L’occasion de découvrir le génie extravagant d’un auteur hors du commun. Histoire de pouvoir hurler à votre tour : « Putain, j’adooore… Hitoshi Matsumoto ! »

Gaëlle BouchéEnvoyer un message au rédacteur

COMMENTAIRES

Christian

lundi 17 août - 3h41

Je viens de regarder ce film. Je ne peux que partager votre enthousiasme : "Putain, j’adooore… Hitoshi Matsumoto !". N'étant pas cinéphile, je ne connais qu'un nombre assez fini d'oeuvres du septième art. Du cinéma japonais, je n'avais retenu avec une émotion profonde que "L'île nue"de Kaneto Shindō, un autre OVNI mais dans un genre diamétralement opposé. Dans cette oeuvre poétiquement déjantée, c'est peu dire, je retrouve un enchantement à la fois tragique et bouffon que je n'avais pas connu depuis plusieurs années. J'adore aussi la façon dont Hitoshi traite de la relation père-fille ; on y ressent l'essentiel de ce qui en fait la spécificité, mélange subtil de tendresse et d'exigence ayant moi-même 5 filles et me sentant parfois comme un samouraï-déchu. Merci Hitoshi, un grand merci !

Christian, Montpellier, août 2020

Laisser un commentaire