RETOUR EN ALEXANDRIE
Soigner son enfant intérieur
Après vingt ans d’absence, Sue doit retourner en Égypte pour revoir sa mère avant qu’elle ne meure. Malgré les rapports conflictuels qu’elle entretient avec cette aristocrate égoïste et excentrique, elle entreprend un voyage initiatique imprévu, sur les traces de son enfance et de cette femme qu’elle n’a jamais compris…

Après avoir joué les mères tyranniques dans "ADN" et "Les rois de la piste", Fanny Ardant (Fairouz) retrouve son rôle de matrone égoïstement exubérante face à la tourmentée Nadine Labaki (Sue). Ce duo mère-fille surpasse, en authenticité et en émotion, celui du film de 2020, où l’interprétation de Maïwenn laissait le spectateur en surface. Ici, la chaleur de l’Égypte se conjugue avec les tempéraments de Nadine Labaki et de Fanny Ardant. Entre incompréhensions et rivalités féminines, "Retour en Alexandrie" témoigne du poids d’être mère, comme de celui d’être fille. Il prend la mesure de la singularité de chaque personnage, sur le fond d’une Égypte chargée en couleurs, en objets et en préjugés. Si la fuite semblait salutaire pour Sue, elle est rattrapée par le vieillissement de sa mère, qui lui offre une ultime possibilité de comprendre cet être fantasque. Interrogeant sur le rapport aux souvenirs, comme "Ricordi", le passé et le présent se mêlent pour raconter l’histoire de deux femmes aux amours contrariées et au cœur lourd.
Si le scénario du film n’est pas nécessairement novateur, son sens du détail, notamment dans la gestion des espaces et des costumes, permet de le savourer différemment et d’entrer dans la psyché des personnages. Prenant au pied de la lettre la thématique de l’enfant intérieur, par la limite entre souvenirs et hallucinations, Tamar Ruggli raconte comment apprendre à devenir son propre allié face aux défaillances parentales. Son choix de retracer une fresque familiale presque uniquement féminine plonge le spectateur dans un huis clos à ciel ouvert car, même si Sue n’est pas enfermée à proprement parler, elle est restreinte par sa mère.
Prenant également le prisme de l’aristocratie, ce film en dresse une critique délicate au travers du personnage de Sue, qui montre à quel point ses codes sont enfermants, même pour ses propres « vipères ». Drôle et émouvant, "Retour en Alexandrie" résonne et permet de passer un bon moment, tout en se posant les bonnes questions. Il donne corps à la citation d’Oscar Wilde : « Les enfants commencent par aimer leurs parents ; devenus grands, ils les jugent ; quelquefois, ils leur pardonnent ».
Adam GrassotEnvoyer un message au rédacteur