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RAPT

Un film de Lucas Belvaux

Un homme est passé

Capitaine d’industrie et homme de pouvoir, Stanislas Graff est kidnappé par un commando de truands. Alors qu’il subit humiliation et torture, sa vie privée dissolue est étalée à la une des journaux, et la police et ses proches tentent d’obtenir sa libération...

Sa formidable trilogie de la vie ("Un couple épatant", "Après la vie" et "Cavale") l’avait laissé entendre, le truculent "La raison du plus faible" l’avait prouvé : si Lucas Belvaux est attiré par l’univers ambigu du polar, c’est pour les multiples interprétations qu’il propose et sa capacité à se poser comme un écrin magnifique à l’étude de caractères. Film à suspense, drame familial, réflexion politique et observation des conséquences d’un traumatisme, son dernier long-métrage s’inscrit totalement dans cette lignée socio-réaliste. Mais là où les films pré-cités bénéficiaient d’un traitement émotionnel, "Rapt" s’engouffre dans une froideur déstabilisante.

La première partie du film, la plus faible, s’attarde à décrire avec un cynisme forcé l’enquête policière et les tentatives de libération menées par les forces de l’ordre, la famille et l’entourage de travail d’un homme quelque peu oublié par la narration. Interprétation distanciée, mise en scène millimétrée, dialogues artificiels, rythme inégal, le scénario peu original de Belvaux ne bénéficie pas d’un traitement adéquat et finit par moment par lasser, la faute à un ton hésitant sans cesse entre réalisme bienvenu et volonté de fiction.

Tout juste peut-on trouver intéressante la manière dont est décrite la destruction publique de la sphère privée d’un homme qui ne peut se défendre. Et c’est lorsqu’on en vient à se demander si Yvan Attal est bien l’acteur principal du film, que ce dernier change son sujet d’épaule pour épouser la trajectoire infernale de cette victime désignée. A partir du moment où le personnage de Graff se retrouve dans une nouvelle prison, face à de nouveaux geôliers, le film décolle enfin.

Filmant au plus près d’un Yvan Attal transfiguré, jouant de son corps meurtri plutôt que de sa voix, la caméra de Belvaux se fait plus percutante, plus intimiste, et nous décrit cette descente aux enfers morale, plus que physique, à laquelle est soumise le protagoniste. Délaissant progressivement les atours peu intéressants de son histoire (l’enquête qui piétine), "Rapt" devient dès lors le portrait saisissant d’un homme que l’on croit brisé, et qui trouve dans son calvaire (et sa libération) une force contradictoire. Voyant son univers s’effondrer, alors que lui-même se construit peu à peu en tant qu’homme nouveau, Graff n’est pas la victime attendue, ni même le revanchard rageur que le script pouvait laisser entendre. Juste un homme ayant traversé l’enfer pour se retrouver dans un purgatoire social dont il va falloir s’adapter. Une fin glacial pour un thriller dramatique des plus étonnants.

Frederic WullschlegerEnvoyer un message au rédacteur

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