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QUIET LIFE

Un film de Alexandros Avranas

Un drame familial clinique et glaçant

Suède, 2018. Une famille de réfugiés russophones, composée des parents Sergei et Natalia, ainsi que de leurs deux filles Katja et Alina, ont rendez-vous avec les services d’immigration. Malgré tous leurs efforts, notamment le bon niveau de suédois des filles, après une nouvelle lecture de leurs déclarations de différentes persécutions du fait de leur caractère d’opposants politiques, ils se voient signifié le refus de leur permis de résidence. Le père se lève alors, montrant une cicatrice, et demandant qu’au moins on le regarde. Alors qu’ils ont dix jours pour faire appel, à l’école, la plus petite, Katja, est victime d’un malaise, tombant dans une sorte de coma. Les parents sont alors soupçonnés d’empoisonnement pour pouvoir rester en Suède…

Inspiré de faits réels, le nouveau long métrage du réalisateur grec Alexandros Avranas ("Miss Violence", "Love me not") s’est fait remarquer en septembre dernier au Festival de Venise, où il était présenté dans la section Orizzonti. Abordant ce qu’on appelle « le syndrome de résignation », qui touche des enfants victimes des guerres ou de répression politique, dont le corps se met tout en coup en sommeil, à la manière d’une protection ultime que s’offre le corps ou le cerveau, pour échapper au pire (ici le retour au pays), l’intelligence du scénario est de donner à la fois à voir la manière dont les réfugiés sont traités, avec une suspicion permanente sur leurs intentions, et les ressorts dont ils disposent en « dernier recours ».

Le film s’ouvre ainsi sur une étrange visite de contrôle, à la manière d’une inspection, lors de laquelle il leur faut démontrer la famille modèle qu’il leur a fallu devenir. Posant ainsi légitimement la question de la culture propre des migrants face à un comportement exigé, la nature de l’intégration attendue (la scène de l’apprentissage du sourire est assez effrayante), et des impacts sur leur manière d’être, le scénario met en parallèle tentative de survie et mise en récit du passé du père, qu’ils savent être un élément clé pour obtenir l’asile. Tournant alors au thriller ouaté, cette "Quiet Life" (vie tranquille) espérée vire au cauchemar administratif et humain pour des gens de bonne volonté, aux enfants forcément influençables et impactés.

Par le caractère précis de ses cadres et ses décors plus ou moins aseptisés, Alexandros Avranas crée un véritable malaise autour d’une urgence sourde qui s’empare progressivement de toute la famille, usant autant les nerfs de ses personnages que ceux du spectateur. Au milieu des témoignages trop appris, des règles d’or qui font froid dans le dos (PAPA : Passé / Asile / Problèmes / Anxiété), des rares signes d’empathie (une infirmière compatissante, venue du Montenegro…), l’engrenage juridique finit par glacer le sang. Mais "Quiet Life" a le mérite, dans son développement clinique, de reposer l’humain et l’unité familiale au cœur du débat, loin des modèles et des attentes toutes faites, dans une jolie conclusion en forme de baignade collective, accompagnée d’un doux morceau au piano. Une pause apparente dans une spirale qu’on pourrait croire sans fin, qui permet de poser une note d’espoir.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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