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PYRAMIDEN

Un film de Damien Faure

Les affres d’une solitude prolongée

Harald vit seul sur des rivages enneigés. Dans ce monde glacé où un ours polaire menace son existence, le désespoir le gagne alors qu’il ouvre ses dernières boîtes de conserve périmées. Dans un élan de survie, il remplit son sac à dos et part, découvrant une étrange ville aujourd’hui déserte, du nom de Pyramiden, dans laquelle il s’installe, explorant son ancienne école, sa salle de spectacle, sa salle des commandes, mais aussi une sorte d’hôtel encore en relatif bon état…

"Pyramiden" est annoncé comme un film de science-fiction sur un homme découvrant les vestiges d’une ancienne ville, mais il aurait aussi bien pu être présenté comme l'errance d'un homme exilé dans le grand nord, tombant sur les vestiges d'une ancienne mine russe et devant faire face à sa solitude. Quoi que vous imaginiez autour de ce lieu étrange, cette ville fantôme, marqueur d'un passé et d'une humanité qui a déserté ou disparu, ce long métrage qui sortira en exclusivité au Saint-André des Arts à Paris mérite le détour, pour son ambiance étrange, sa musique aérienne et ponctuellement inquiétante (signée Xavier Roux), mais aussi la réflexion qu'il livre autour de la solitude et de la folie qui rode après un certain temps.

Unique acteur du film, le toujours trop rare David D'Ingéo ("Les Graines que l'on sème", "Avant l'aurore") réussit à nous faire croire à ce personnage semblant trouver un point d’attache, découvrant ce lieu autrefois grouillant (quelques images d’archives en noir et blanc rappellent une population disparue) mais en proie à des visions de lui-même quelque peu déstabilisantes. Entre fantasme d’entrer dans la peau d’un autre (un militaire, une sorte de professeur déguisé…) et folie qui guette face à l’absence d’autres humains (il s’adresse aux fresques d’enfants sur les murs, dialogue avec les autres lui-même, joue une pièce ou du piano devant un public imaginé…) Damien Faure, auquel on devait jusque-là un peu moins d'une dizaine de moyens métrages d'environ une heure chacun, passe enfin au format long avec succès.

Exploitant parfaitement la dimension surhumaine et fantomatique des lieux, il compose avec "Pyramiden", film réalisé à seulement trois personnes (dont son unique interprète) une œuvre à l’ambiance mystérieuse, convoquant des imaginaires de radiations (la couleur verte qui luit soudainement à certaines fenêtres, celle aperçue sur une carte postale épinglée au mur…), les expériences possibles menées par les Soviétiques dans le passé, et utilisant les cauchemars de son triste héros pour créer le suspense… De petits indices entretiennent savamment celui-ci, de la présence de l’ours en caméra subjective, aux coupures de courants visiblement volontaires, en passant par un nom (« Seed ») et un code mystérieux. À ceux qui auront la chance de pouvoir découvrir le métrage sur grand écran (un atout étant donnés les paysages), on conseillera juste de se renseigner sur deux lieux où ont eu lieu le tournage, afin de mieux en saisir la signification et celle de sa base-line (« Et si vous aviez le pouvoir de réenclencher le monde ? »)  : l'archipel norvégien du Svalbard, avec son « Seed Vault », ainsi que la cité Pyramiden, exploitée par la compagnie minière Arktik-ougol jusqu'en 1988. Deux lieux qui ne peuvent exercer ici qu’une certaine fascination, entre fin d’un monde et potentiel début d’un autre.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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