PROSPER
Un autre dans sa peau
Prosper est chauffeur de VTC, vit chez sa mère, et possède des parts dans la salle de sport ouverte par son ex-conjointe. Alors qu’il est menacé de saisie pour les loyers impayés de la salle, celui-ci voit mourir dans son véhicule, un sapeur dénommé King, qui voulait racheter une boîte de nuit et trempait dans quelques affaires louches. Trouvant sur cet homme une enveloppe avec 30 000 euros en liquide, il se débarrasse du corps mais se retrouve fasciné par ses bottines en croco. Mais lorsqu’il décide de porter les fameuses chaussures, il se retrouve possédé par l’esprit de King, qui va chercher à retrouver celui qui lui a tiré dessus…

Dans "Prosper", Jean-Pascal Zadi s’en donne à cœur joie dans un double rôle, celui d’un chauffeur de VTC négligé, qui vit encore chez maman, à la fois craintif, influençable (il est manipulé par son ex-conjointe) et dépassé par le moindre événement, et de King, un sapeur respecté et craint, magouilleur et capable d’être violent. L’introduction prend certes du temps, présentant d’abord la confection et la livraison des fameuses chaussures, depuis le fin fond de l’Afrique jusqu’à sa livraison par un mystérieux albinos. Le premier plan est d’ailleurs sur un petit crocodile dans un canoë, posant d’emblée le caractère respecté de l’animal malgré l’utilisation de sa peau. Puis c’est la présentation patiente des forces en présence qui s'effectue : un rival sapeur jeune et ambitieux, un ami toujours à son service (Alpha), une petite amie magnétique et désemparée (Cindy Bruna), une ex et son amant visiblement roublards et une mère gentiment envahissante (délicieuse Salimata Kamate, vue dans "Petites Mains", "Saint Omer" et le triptyque "Qu'est-ce qu'on a fait au bon dieu ?").
L’aspect comique met donc un certain temps à arriver, mais le reste de l’histoire fait preuve d’une réelle originalité, alliant codes du thriller et comédie de situation où quelques malentendus viennent semer le zizanie entre des personnages qui comprennent finalement moins ce qui se passe que le spectateur lui-même. Utilisant quelques effets de flous et de mouvement de caméra suggérant le malaise, pour signifier la transition d’une personnalité à l’autre, la mise en scène de Yohann Gloaguen donne aussi du relief aux scènes de suspense (le face à face des deux sapeurs dans la rue...). et de castagne (l’interrogatoire musclé, l’altercation avec l’amant de l’ex...). Porté par un Jean-Pascal Zadi à son meilleur, "Prosper" n’aura finalement pas réussi à créer la surprise au dernier Festival de l’Alpe d’Huez, mais pourrait connaître un joli succès en salles.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur