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PLAN B

Un film de Marco Berger

Raison et sentiments

Buenos Aires, Argentine, de nos jours. Bruno vient de se faire larguer par sa copine qui a depuis retrouvé l’amour dans les bras du jeune Pablo. Mais Bruno compte bien retrouver le cœur de celle qu’il n’arrive pas à oublier. Ses tentatives étant restées veines, il décide de passer au plan B et de faire en sorte que Pablo quitte la jeune fille en tombant amoureux de lui…

Joli film que ce premier long-métrage écrit et réalisé par le jeune argentin Marco Berger, 30 ans, et déjà auteur de deux courts-métrages. « Plan B » est un film où la culture cinématographique française baigne tout du long. Outre le fait qu’un personnage (absent) est de nationalité Française, tout renvoie directement au mouvement de La Nouvelle Vague qui suivait ainsi l’évolution de la Société tel un miroir s’emparant d’elle et renvoyant l’image la plus fidèle et la plus réelle possible. « Plan B » en est un parfait héritier. Car c’est avant tout un film qui étudie les transformations d’une jeunesse dans ses rapports et sa sexualité. Sauf que « Plan B » n’a pas été tourné dans les années 50 ou 60 et que de « Jules et Jim » où deux garçons aimaient la même femme, on passe en 2010 à deux garçons aimant la même femme puis tombant amoureux l’un de l’autre.

Une sorte de continuité naturelle de La Nouvelle Vague car ses fondateurs ont, paradoxalement, très peu traité l’homosexualité dans leurs films. Alors, si on pense d’abord à l’œuvre de Truffaut, on trouvera encore plus de références du côté de Rohmer. Et son cinéma de l’adolescence, de la découverte des sentiments, des peurs de l’amour, des silences lourds de sens et des « plans de vie », scènes de films où les réalisateurs laissent évoluer leurs personnages, dans le cadre, dans de longs plans-séquences pour y faire émerger tantôt le désir, tantôt la tension (sexuelle).

Marco Berger prend donc son temps avec son Jules et son Jim pour installer le jeu de la manipulation de Bruno sur Pablo puis le trouble que les deux garçons auront l’un envers l’autre. Le film respire la sobriété, la simplicité et le naturel, ce qui définie très bien la manière avec laquelle les sentiments évoluent entre les deux hommes. Dans « Plan B » pas d’effets spéciaux, pas de jeunes au physique de surfeurs, pas de sexe ni de voyeurisme. Marco Berger a le style et la manière pour développer son scénario partant d’une histoire simple qui devient de plus en plus complexe !

Entre chaque scène, le réalisateur insère des plans aériens et architecturaux de bâtiments, d’immeubles ou d’entrepôts sur fond de musique sourde. Une façon de faire une pause et de permettre au spectateur de faire un point sur l’avancée de l’histoire et des liens qui unissent les personnages. La présence de cette musique grave et sourde montre qu’il y a comme quelque chose qui se brouille dans l’esprit des deux jeunes en train de construire une histoire parallèle, sans prévenir, mais tellement plausible parce qu’elle apparaît si naturelle et qu’elle va chercher dans le secteur le plus inexploré de leur cœur.

Une découverte, troublante, émouvante, qui rappellera à de nombreux jeunes gays leurs propres souvenirs et qui pourra éclairer d’autres jeunes (et moins jeunes) sur la naissance de l’homosexualité comme un sentiment. Car, n’en déplaise à ses détracteurs, la thématique de l’homosexualité est toujours d’actualité. Ce n’est pas parce qu’elle est davantage admise et que les mentalités évoluent dans le bon sens à travers le monde, qu’il faudrait y voir la fin des discours sur ce qu’elle représente. Le combat pour la faire accepter est encore d’actualité dans de nombreuses régions du monde. Il suffit d’aller sur le site d’Amnesty International pour s’en rendre compte. D’aucuns la voient encore aujourd’hui comme un crime, un péché ou une maladie.

Marco Berger s’est, avec ce petit film, lancé dans un grand combat pour la liberté de l’amour où la possibilité d’aimer peut transgresser les genres et les sexes. Certes, on pourra lui reprocher certaines maladresses comme pouvait en avoir « J’ai tué ma mère » de Xavier Dolan, mais, de la même manière que pour le jeune réalisateur québécois, on voit en Marco Berger un jeune auteur à suivre et on trépigne déjà d’impatience de découvrir son prochain film.

Mathieu PayanEnvoyer un message au rédacteur

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