PEACOCK

Un film de Bernhard Wenger

Une vraie surprise, aux situations délicieusement absurde

Synopsis du film

Membre de l’agence MyCompanion.com, Matthias, trentenaire au physique avenant, se fait louer par des gens pour interpréter la personne de leur choix : un fils modèle d’un homme souhaitant être élu président d’une organisation, un père aviateur pour un gamin souhaitant enjoliver son exposé en classe, un mari d’une femme qui n’ose encore parler à son véritable mari et souhaite répéter ce qu’elle va lui dire… Mais alors que celle-ci franchit le pas et décide de quitter son mari, et que sa compagne commence à trouver son comportement irrationnel, les choses vont commencer à déraper…

Critique du film PEACOCK

Avec pour héros un homme blond à la coiffure parfaite, au regard certes un peu vide et parfois empli d’un semblant de tristesse, le film autrichien "Peacock" fut la véritable surprise de la Semaine de la critique à la Mostra de Venise 2024. Avec des plans méticuleusement construits, des décors aux coloris calculés, des situations en apparence délicieusement absurdes, l’ensemble est un vrai régal, autant pour l’œil que pour l’intellect. La base de l’histoire, qui n’est pas sans rappeler celle du film "Alps" de Yorgos Lanthimos (où des comédiens étaient engagés pour remplacer des disparus, le temps pour les clients de faire le deuil) ou du récent "Another End" si l’on prend le même sujet côté science fiction, est particulièrement intrigante, le protagoniste étant réservable pour interpréter toute sorte de rôles. Une démultiplication artificielle des personnalités, qui va mener ce personnage dans un abyme de questionnements sur sa propre personnalité, ou plutôt l’éventuelle absence de celle-ci.

Questionnant la standardisation des besoins, comme la tendance de chacun à se composer une vie à mettre en valeur face aux autres (l’un des syndromes des réseaux sociaux ou de la communication...), le scénario pousse en effet peu à peu le personnage de Mathias dans ses retranchements, l'obligeant à questionner la réalité de son existence. Dès le début le personnage semble vivre dans des décors artificiels, sorte de parfait catalogue d’ameublement, qui semble pourtant ne satisfaire personne (sa femme veut acheter une énorme statue de chien pour « faire impression sur [les] invités », alors que lui vient d’acquérir un ours polaire bien plus petit). Premier syndrome d’un début de déraillement, c’est pourtant peu à peu que son numéro bien huilé va commencer à se dérégler, avec l’achat compulsif d’un chien (Aaron, auquel on devra l’un des plans les plus décalés du métrage…) ou l’incursion du mari quitté qui voudrait lui demander des comptes... S’ajoute ainsi une touche de thriller qui vient résonner avec la paranoïa grandissante du personnage, Bernhard Wenger s’amusant de plus à glisser çà et là quelques détails signifiants de l’état d’esprit de celui-ci (la chanson du film "Ghost" qui passe sur l’auto-radio, le bruit sourd récurrent de la chaudière…).

Entre gestes calculés, peur maladive d'être seul, on en vient à douter de la sincérité du personnage lui-même, remarquablement interprété par l’irrésistible Albrecht Schuch ("A l'Ouest rien de nouveau"), comme de celle qu’il semble avoir rencontré par hasard. Si l’une des scènes clés vers la fin rappelle un peu trop "The Square" de Robert Östlund, en moins inspiré, elle revêt cependant un caractère salvateur pour ce personnage, que l’on apprend à apprécier malgré ses aspects désespérément lisses. Avec sa symbolique pertinente du paon, belle parabole du personnage lui-même et animal récurrent du long métrage, "Peacock" questionne avec brio le caractère désintéressé des interactions humaines, avec en toile de fond la capacité des puissants, comme des plus gros menteurs, à toujours s’en sortir, dans ce monde où les apparences et la communication font beaucoup.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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