PAUL
Équilibre et contradictions
Paul a trouvé son équilibre en offrant ses services à des femmes, pour faire le ménage chez elles. Il fait d’ailleurs la promotion de son activité sur internet, tout en se défendant de faire partie de la communauté BDSM. Pourtant ses clientes lui infligent des sévices et il leur obéit en tant que « maîtresses »…

On connaissait l’auteur québécois Denis Côté pour des films à part, à l’humour décalé et grinçant, tels que "Vic + Flo ont vu un ours" ou "Boris sans Béatrice", pour la plupart passés par le Festival de Berlin. Un festival où il est revenu cette année du côté de la section Panorama, avec un documentaire inattendu sur un homme de 34 ans devenu esclave faisant le ménage chez des femmes, dans son plus simple appareil. Sans aucun commentaire, le film donne la parole à son protagoniste, ancien obèse qui s’est sorti de dix ans de dépression en assouvissant son désir de « servir des femmes » pour lesquelles il fait gratuitement le ménage. Si le début du film prête à sourire, entre les aspects promos (story vidéo, collage d’étiquettes « I clean for women », QR code pour le contacter…), celui qui se fait appeler Cleaning Simp Paul, inquiète autant qu’il fascine.
Car dès les premières incursions chez des « clientes », l’aspect sexuel voire SM de l’acte saute aux yeux : Paul s’allonge parterre et sert de repose pieds, est sanglé sur une table, subit cagoulé des coups de tapette, se fait couper les cheveux… Il croise aussi d’étranges personnages, au-delà de ses maîtresses habillés en infirmières ou autres, tels qu’un homme à masque de chien jouant de la guitare électrique… Pris dans ses contradictions (carnet de positivation de ses actes, refus de catégorisation liée au sexe, souhait d’adhésion d’une famille forcément mal à l’aise…), Paul, s’il n’est aucunement jugé par le metteur en scène, touche autant qu’il provoque un mélange de compassion et d’incrédulité. Certains se demanderont peut-être pourquoi mettre en lumière un tel personnage. Mais peut-être est-il bon de se questionner sur la nature d’exutoire de son activité, comme sur les multiples formes que peuvent finalement prendre une thérapie, ceci sans juger cependant de l’équilibre mental de l’homme en question, ni de ses clientes, le seul regard extérieur étant ici celui du spectateur. Au final, "Paul" est un nouveau documentaire qui enfonce le clou sur la nécessité pour certains, de se créer un monde de substitution face à celui dans lequel ils ne cadrent pas, leur exigence de prise en compte de leur réalité alternative revenant en boomerang, avec toutes les contradictions que cela implique.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur