PARTIR UN JOUR

Film d’ouverture du Festival de Cannes 2025

César du meilleur court métrage en 2023, "Partir un jour" était déjà un joli petit film ; devenu un long métrage, le voilà reparti sous un nouveau jour ! Même si Amélie Bonnin reprend la même base ainsi que le même trio d’interprètes, le scénario prend une tout autre ampleur, prenant le temps d’approfondir les personnages tout en inversant les rôles : ce n’est plus un jeune écrivain incarné par Bastien Bouillon qui revient chez ses parents et retrouve son amour de jeunesse, mais une cheffe jouée par Juliette Armanet. Comme un symbole de ce basculement, la chanson des 2Be3, dont est tiré le titre des films, clôt le long métrage alors qu’il ouvrait le court.

Dans la forme, "Partir un jour" est un film musical plutôt atypique, à mi-chemin entre "On connaît la chanson" et le karaoké. Si la justesse de chant est parfois approximative sauf pour Juliette Armanet, c’est que cela devient une illustration sonore du fossé qui s’est creusé entre le personnage et ses origines. Le film entier est une réflexion (sans arrogance) sur la difficulté à assumer ou aimer ses racines géographiques et sociales quand on s’en éloigne, le tout renforcé ici par deux visions de la restauration : la grande gastronomie et les relais de routiers. Les choix des chansons vont dans le même sens, interrogeant l’éventuelle beaufitude de certains tubes ("Partir un jour" donc, mais aussi "Mourir sur scène", "Le Loir-et-Cher", "Ces soirées-là", "Femme Like U"…) réarrangés musicalement comme pour leur donner une certaine noblesse (avec divers musiciens aux manettes, comme Keren Ann et Chilly Gonzales).

Une certaine authenticité se dégage paradoxalement des artifices, sans doute en partie grâce à un jeu très juste : Juliette Armanet prouve que son talent n’est pas seulement musical (elle est bluffante dans sa palette d’émotions tout comme dans sa maîtrise des gestes de cuisine et du patinage sur glace !), François Rollin est d’une grande subtilité dans son rôle de père bougon et pudique, et Bastien Bouillon excelle en garagiste resté un peu ado sur les bords, avec un peps communicatif. Vraie bouffée d’air frais, "Partir un jour" peut se montrer à la fois drôle et touchant, avec de belles idées de mise en scène – dont une séquence magistrale de semi-flashback dans une patinoire !