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LES OUBLIÉES DE JUAREZ

Un film de Gregory Nava

Sujet en or pour ratage complet

Dans la ville frontalière de Juarez, où sont installées nombre d’usines détaxées, de nombreuses jeunes filles disparaissent et sont retrouvées violées et assassinées. Une journaliste américaine est envoyée sur place, alors qu’une rescapée tente de témoigner auprès d’un journal local…

"Bordertown" possédait un sujet en or, à la fois politique, social et humain, aux potentialités indéniables en terme de suspense. Malheureusement, Gregory Nava rate complètement sa cible, avec un scénario, certes basé sur un ensemble de faits divers, mais accumulant à la fois clichés sur le journalisme d'investigation, comme sur la société mexicaine aux prises avec des croyances ancestrales qui brouillent la raison. Ainsi le film s'enlise dans un récit degré zéro, qui n'approfondit aucun des sujets hautements politiques qu'il aborde, préférant nous gratifier de scènes d'actions à la limite du ridicule et nous imposer un festival "super-jennie". Jennifer Lopez plante d'abord sa voiture en pleine circulation pour courir à la recherche de sa jeune protégée dans l'un des quartiers les plus chauds de la ville. J Lo courre dans une casse à voitures et tombe sur un charnier qui lui donne l'occasion de pousser quelques cris. Enfin J Lo monte encore le volume face à son rédacteur en chef (Martin Sheen), qui refuse de publier son article.

Ces scènes d'actions, honorablement mises en scène, font échos à un abus flagrant d'inserts inutiles dont l'image jaunie (symbole du passé!) situe le bon vieux trauma source ici de rappel à l'ethnicité et à une cause qui semble bien lointaine. Aucune piste ou hypothèse n'est ainsi réellement développée, qu'il s'agisse des liens entre police et notables locaux, du problème des détaxtes, ou encore des influences politiques sur le liberté de la presse. Et on regrette que le scénario ait si peu exploité la supposée confusion entre réalité et croyances religieuses déformées (el diablo) introduite au départ, le choix ayant été fait de nous montrer d'emblée le visage du sombre tueur.

Du coup, l'intrigue se résume à un numéro peu crédible de bon samaritain joué par la journaliste américaine arriviste venue sauver la petite mexicaine. A ses cotés, le journaliste local, ex-amant avec qui tout pourrait forcément recommencer, est interprété par Antonio Banderas, qui sert de traducteur, la belle ayant en route oublié ses racines. Une prestation bien en deça de ses capacités, pour un reporter parano, mais paradoxalement bien peu prudent. Les ficelles sont grosses, parfois peu cohérentes (ah, les téléphones portables qui passent des coups de fils tout seuls), et les intentions dénonciatrices pas si altruistes que cela. Et le comble, c'est qu'on ne cherche même pas à nous le cacher, puisque les choses sont dites telles quelles dans la scène où le rédacteur en chef félicite au téléphone sa journaliste vedette, "pour l'humanité" de son article. Pathétique.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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