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OÙ VA LA NUIT ?

Un film de Martin Provost

Ce n’est pas si simple

Rose Mayer vit à la campagne avec son mari, un homme peu tendre, souvent violent. Un jour, celui-ci renverse une jeune fille en voiture en revenant saoul du village. A son retour de prison, les habitudes reprennent. Pour sa femme, c’en est trop, elle décide de l’assassiner avant de rejoindre son fils à Bruxelles, lui qui est très heureux de prendre soin de sa pauvre mère veuve. Mais un tel secret de famille n’est pas si facile à cacher…

Après « Séraphine » et ses nombreux prix, Martin Provost revient avec « Où va la nuit ? », l’adaptation grand écran du roman intitulé « Mauvaise pente » de Keith Ridgway, une œuvre qui à la lecture, l’a bouleversé. Dans ce film, il laisse de nouveau la main à Yolande Moreau pour incarner le personnage de Rose Mayer, une femme simple mais pour qui tout va se compliquer.

Dans cette campagne belge, chacun vit au présent son quotidien. Lorsque son mari part en prison pour homicide involontaire, Rose Mayer prend les commandes de la ferme. Mais le passé ne tarde pas à revenir, et son homme avec. Alors que la violence refait surface, Rose, elle, s’enterre dans son silence. A force de tourner en rond, elle ne voit alors plus qu’une issue: tuer son mari. Un mort de plus et la fin de ses problèmes. Considérée comme veuve - alors que la police enquête sur ce nouveau décès, elle part rejoindre son fils à Bruxelles. Mais peut-on vivre dans le secret ? Y-a-t-il des choses qu’il est bon d’enterrer à jamais ? Rose a longtemps subit, puis un jour elle a agi ; maintenant, il va falloir qu’elle s’explique.

« La violence engendre la violence » nous dit Eschyle. Si déjà au temps des grecs, cette phrase faisait écho, ici aussi elle trouve tout son sens. Dès le début du film, est posé le cadre d’un décor plutôt lourd, d’un quotidien où il ne se passe pas grand-chose. Si bien que lorsque le téléphone sonne, tout s’arrête et l’on se regarde dans le blanc des yeux pour savoir qui cela peut bien être. Alors pour Rose, ici la violence n’est pas un but, elle est le moyen, la seule clé qu’elle a trouvée pour sortir de ce quotidien glauque dans lequel elle est emmurée. « Combien de temps avez-vous été mariée ? » lui demande l’inspecteur de police. « 52 ans ? Ça fait presque deux perpétuités. » Toute une vie derrière les barreaux, ça fait long.

Martin Provost assimile son film à une tragédie antique. « Comme dans une pièce de Sophocle, nous dit-il, chaque personnage, par ses actes, entraîne malgré lui sa chute. » En effet, chacun agit pour se libérer mais au lieu de cela, c’est l’acte de plus qui fait finalement plonger celui qui se croyait sauvé. Lorsque Rose tue son mari, elle se pense désormais libre, et son fils avec : « Tout va aller bien maintenant, tu vas voir. On va repartir de zéro ». Mais il en est autrement, car pour son fils, c’était à lui d’éliminer ce père qu’il a tant haï. « C’était à moi de le tuer », cette phrase, ils auraient tous les deux pu la dire. Elle porte toute la culpabilité de la justice que l’on croyait rendre.

Pour ce qui est du scénario, il tient plutôt bien la route dans ses débuts, et ce n’est que vers la fin que l’on se demande s’il ne manque pas un peu de crédibilité. L’amitié entre Rose et la vieille femme qui lui loue une chambre à Bruxelles, est un peu farfelue, et la course poursuite de ces deux mamies au volant de leur 4X4, qui tentent ensemble d’échapper à l’escadron des forces de police, tombe un peu comme un cheveu sur la soupe, après une histoire compliquée qu’on a déjà du mal à digérer. Toutefois, on appréciera le jeu de Yolande Moreau qui, fidèle à elle-même, nous offre un personnage réaliste sans pareille. Et même si on peut la trouver un peu trop constante du point de vue des émotions jouées, elle est cependant l’actrice parfaite pour le rôle de la brave femme ballottée par la vie.

L’impossible vengeance libératrice ou le serpent qui se mord la queue, « Où va la nuit ? » c’est une histoire sans fin : chaque porte de sortie conduit à un nouveau mur. Un engrenage pas facile à arrêter, où la souffrance est de mise. Personne n’en sort indemne certes, mais ce que tout le monde attend, c’est le lever du jour.

Anne-Claire JaulinEnvoyer un message au rédacteur

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