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L'ORPHELINE AVEC EN PLUS UN BRAS EN MOINS

Un film de Jacques Richard

Monstres et compagnie

Jeune et belle orpheline dont la particularité est de n’avoir qu’un seul bras, Eléonore fascine le monde autour d’elle. Alors qu’elle s’entiche de Robinson, jeune prestidigitateur du cabaret « Le Fétichiste », elle se voit offrir confort et protection par le juge London, qui lui propose même de l’adopter. Or celui-ci est bien étrange, terré dans son château, dont il a fait un véritable musée de pièces à conviction. Au même moment, de mystérieux crimes ont lieu…

Réalisateur d’une soixantaine de courts et longs métrages, ancien assistant d’Henri Langlois, Jacques Richard est une figure discrète et pourtant originale du cinéma français. A l’origine d’une poignée de controverses, suscitées entre autres par son film « Le Vivarium » avec Fabrice Lucchini (1975) ou « Ave Maria » avec Anna Karina (1984), il revient cette année avec un long-métrage pour le moins étonnant, qu’il a co-écrit avec Roland Topor. Quand on sait que celui-ci est l’auteur du « Locataire chimérique », qui a donné lieu au film « Le Locataire » de Polanski, film ayant inspiré Jacques Richard pour « L’Orpheline avec en plus… », on a de quoi être sérieusement intrigué.

Et il est vrai que le film sort de l’ordinaire. Tourné en noir et blanc selon une mise en scène théâtrale, dans un cadre temporel incertain (on se croirait au début du siècle dernier alors que l’on est dans les années 2000) et dans des décors médiévaux tout aussi ambivalents, il déstabilise dès les premières minutes par son caractère expérimental. Les personnages, aux fonctions symboliques, sortent d’une fable : la mère supérieure, le juge, le patron de club de strip-tease, le magicien, la servante, la fille sans bras… Le film s’offre ainsi tel un spectacle, pas forcément très palpitant au demeurant, où le spectateur parvient sans peine à démêler le vrai du faux, mais se demande en permanence où tout cela va le mener. Surtout, le film est tout sauf confortable. L’interprétation guignolesque de Jean-Claude Dreyfuss, en patron de club lubrique, est plus proche de son personnage de boucher dans « Delicatessen » que de Monsieur Marie dans les publicités éponymes. Quant à la demeure du juge, grand manoir isolé au fin fond de la Bourgogne, elle fait froid dans le dos.

Or paradoxalement, il plane au-dessus de « L’Orpheline… » une certaine nonchalance, qui se transforme en absence totale de sérieux et donne au film un charme insoupçonné. À l’étrangeté du début succèdent la fraîcheur et le burlesque, notamment à travers les scènes de spectacle au Fétichiste (Melvil Poupaud surjoue ses performances de prestidigitateur avec délectation) et l’interprétation emphatique des personnages secondaires, sur le mode des comédies de boulevard (le majordome à l’accent belge, le vétérinaire japonais et son infirmière bimbo…). Les dix dernières minutes du film, complètement surréalistes (on est entre Frankenstein et « Kill Bill »), sont des instants de pure comédie. Une façon agréable de boucler un film qu’on sentait un peu trop sérieux au départ.

Sylvia GrandgirardEnvoyer un message au rédacteur

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