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ONLY LOVERS LEFT ALIVE

Un film de Jim Jarmusch

Amour vampirique

Eve et Adam s’aiment depuis la nuit des temps et dissertent des heures durant autour de calices remplis de sang. En fins connaisseurs, ils affectionnent tout particulièrement le O négatif. Rare et raffiné, ce grand cru incarne toute l’excellence d’esprit qui se dégage de ses deux personnages passionnés de musique et de belles lettres. Éternelle romantique, Ève s’est établi à Tanger alors qu’Adam, artiste tourmenté, loge dans les faubourgs de Détroit, haut lieu la scène musicale…

« Quand on sépare une particule intriquée, et qu’on éloigne ses deux parties l’une de l’autre, même aux antipodes de l’univers, si l’on modifie ou affecte l’une d’elle, l’autre sera identiquement modifiée ou affectée. » Cette définition de l’intrication énoncée par Adam au détour d’une discussion exprime bien l’amour absolu qui l’uni à Ève. Vu que même séparés physiquement, ils sont en total osmose. Tel le Ying et le Yang, elle est l’optimisme alors que lui broie du noir au point de se procurer une balle faite du bois le plus dur qui soit, variante élégante du vulgaire pieu en érable. Il est vrai qu’autour d’eux, le monde se consume ravagé par la folie destructrice des « Zombies » (surnom affublé aux humains par ces êtres surnaturels que sont Adam & Ève). Le sang se contamine et la crise fait de Détroit une ville sinistrée.

Autour de ces deux personnages gravite Marlowe, l’ami de toujours. Un génie de savoir qui, comme ses deux comparses, fut la plume ou le double d’un illustre de ce monde. « Quel dommage de ne pas t’avoir connu quand j’ai écrit Hamlet » regrette-il à l’attention d’Adam. Homme bon et posé, il est la triangulation qui assoit la force inflexible du couple. Dans cette parfaite synergie un élément perturbateur va cependant faire son apparition : Ava, la sœur d’Ève. Annoncée en rêve à chacun des protagonistes, elle fait irruption chez Adam, semant vice et désordre. Terriblement affecté par tous ces désagréments, le couple se met à douter. Vont-ils survivre à toute cette décadence ?

Délicieusement hypnotique, la mise en scène de Jim Jarmusch s’amuse à créer une ambiance feutrée baignée de sciences et de bons mots. Esthète, le réalisateur soigne chaque détail, pour exalter le côté dandy et distingué de ses personnages. Les références sont légions et plusieurs visionnages s’imposent pour toutes les consigner. Cependant, le film n’est pas pour autant un film élitiste. L’atmosphère enivrante et le jeu savoureusement éthéré des acteurs font l’effet d’une exquise coupe de champagne qu’on sirote, lascivement lové dans un grand fauteuil de velours. Raffiné autant que visionnaire, Jarmusch nous offre ainsi un pamphlet aérien sur la déliquescence d’un monde, porté par des prédateurs à présent plus civilisés que nous autres « zombies ».

Gaëlle BouchéEnvoyer un message au rédacteur

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