ON IRA
Une comédie culottée sur l'euthanasie
Marie, vielle dame de 80 ans vivant en autonomie, fait appel à la société Aide Seniors alors que son monte escalier tombe en panne. Ne parvenant pas à joindre son fils Bruno qui devait l’emmener à un rendez-vous médical, elle accepte que Rudy, l’employé qui l’a dépannée, la conduise. Mais une fois sur place, elle le fait passer pour son fils et parvient à lui faire signer un papier concernant le suicide assisté qu’elle entend effectuer en Suisse, la semaine suivante. Proposant en remerciement à Rudy, ponctuellement sans domicile, de rester quelques jours chez elle, celui-ci fait la connaissance lors d’un dîner, de son fils Bruno et de sa petite fille Anna. Inventant un prétendu héritage à aller récupérer en Suisse, Marie réussit à embarquer ces deniers dans un voyage avec son vieux camping car, que Rudy conduira…

Certains penseront forcément à "Little Miss Sunshine", en découvrant le concept de cette comédie dramatique française, par l’aspect voyage en famille, le van étant remplacé ici par un camping car. Pourtant "On Ira" s’en distingue par un décalage dans le personnage principal (ici Marie, une vieille dame dont le cancer du sein a fait une réapparition et s’est métastasé dans tous le corps), reléguant la petite fille au rang de personnage secondaire. Le film résonne donc comme un requiem pour cette vieille dame attachante (Hélène Vincent, formidable), qui enchaîne les mensonges pour éviter de faire de la peine à son fils et sa petite fille, mais dont le courage et la détermination resteront intacts.
Transformant par cette ignorance de la vérité le voyage en des retrouvailles où la joie s’exprime à rythme régulier, le scénario d'Enya Baroux alterne avec délicatesse moments d'émotion et situations comiques, souvent engendrées par les personnalités de personnages complexes. En aide à domicile, Pierre Lottin (qui jouait déjà récemment avec Hélène Vincent dans "Quand vient l’automne") confirme qu’il est l’une des valeurs sûres du moment, dans le rôle du fils, David Ayala joue parfaitement le mélange de maladresse et d’impulsivité, tandis que la jeune Juliette Gasquet fait des merveilles dans le rôle de la petite fille. Elle a d’ailleurs obtenu le prix d’interprétation féminine au Festival de l’alpe d’Huez, ex-æquo avec Hélène Vincent.
La mise en scène d'Enya Baroux permet elle d’introduire délicatement le grand âge de l’héroïne (les plans sur l’appartement révèlent la présence d’un bouton d’alerte, de grosses touches de raccourcis sur le téléphone, comme d’un papier peint parfaitement daté...) comme, par la suite, de souligner l'énergie des moments de complicité entre les passagers (le passage au bowling, la partie de Monopoly...). Mais c’est surtout la justesse des dialogues qui vient accompagner avec douceur la volonté farouche de Marie de faire ce qu’elle veut, de pouvoir mourir dans la dignité, son “projet” pouvant légitimement heurter la sensibilité de ses proches, faute d'échanges. Le choix de la forme de la conclusion, bouleversant, évoque comme l’ensemble du film, et la chanson récurrente qui l’accompagne ("Voyage Voyage" de Desireless), le désir de ne pas se voir imposer un chemin, comme de donner du temps aux bons moments. Un film qui s’avère un plaidoyer particulièrement efficace en faveur du droit à choisir sa mort.
Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur