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OMBLINE

Un film de Stéphane Cazes

Violence et tendresse

Ombline, une jeune femme de 20 ans, est condamnée à 3 ans de prison suite à une agression violente. Alors qu’elle a perdu tout espoir, un événement vient bouleverser sa vie : elle découvre qu’elle est enceinte. Elle donne alors naissance à Lucas. La loi lui permettant de l’élever les 18 premiers mois, Ombline va se battre pour garder son fils le plus longtemps possible auprès d’elle et convaincre le juge qu’elle est capable d’en assumer la garder à sa sortie de prison. Dans cet univers carcéral sombre, commence le combat d’une femme devenue mère en prison, qui va se reconstruire en se battant pour son enfant…

Premier film de Stéphane Cazes, « Ombline » est tout d’abord assez brut de pomme. Le réalisateur nous plonge instantanément dans son univers avec une Mélanie Thierry qui absorbe l’attention par sa petite bouille en souffrance. La mise en scène est minimaliste mais restitue avec une force peu commune les sensations de ce personnage cloué dans le lieu le plus sordide pour délivrer l’acte symboliquement le plus beau : mettre un enfant au monde. Après ce début littéralement haletant, Ombline retourne en prison avec son nouveau né. Stéphane Cazes pointe alors du doigt un fait (de société) peu connu mais non moins sidérant, à savoir l’éducation des tout petits en prison. La loi permettant aux femmes de garder leur nourrisson jusqu’à 18 mois, les prisons, du moins certaines, ont donc des nurseries qui permettent de recueillir les enfants. Les choses n’en deviennent pas faciles pour autant, et c’est cet environnement extrêmement compliqué, étonnant, et finalement humain qu’a exploré le réalisateur.

Partant de là, on aurait pu s’attendre à un traitement proche du documentaire, typique des films sociaux. Stéphane Cazes a pourtant la volonté de faire du cinéma, et a donc voulu un traitement cinématographique. Aussi chaque plan est travaillé, le montage est d’une fluidité remarquable, la lumière caresse les comédiens ou au contraire souligne la misère de leur lieu d’habitation, mais sans jamais être ostentatoire. Là où certains auraient eu trop peur de « faire » et seraient restés obnubilés par le personnage principal en oubliant art et récit (comme ce fut le cas des frères Dardenne avec « Rosetta »), Stéphane Cazes réussit à être extrêmement proche de son héroïne, tout en la plaçant dans le contexte bien précis qu’est celui de la prison. Aussi sa détresse est constamment palpable, mais sans que le film ne tombe pour autant dans un pathos exacerbé, ou dans une froideur qui évacuerait toute émotion. C’est simple Stéphane Cazes trouve le ton juste. Au regard du sujet, ce n’était pas chose aisée. Mélanie Thierry l’a grandement aidé, habitant son rôle comme on ne l’avait pas vu faire depuis longtemps. Il est un peu tôt pour dire s’il s’agit du rôle d’une vie, mais son travail y est remarquable. Les seconds rôles ne sont pas en reste et déroulent une partition sans fausse note, aidés par des dialogues étonnants, preuve d’une compréhension totale du sujet par son réalisateur, voulant retranscrire un univers comme il est.

La force du film est également d’aller au-delà des grandes difficultés que peut éprouver une jeune mère en prison. Stéphane Cazes offre en effet une réflexion permanente sur la prison et la difficulté de progresser et de rester humain, digne, la tête haute, dans un univers où l’on est à ce point constamment tiré vers le bas. Par exemple Ombline parvient à un certain moment à remonter la pente, mais alors qu’elle est agressée par sa codétenue et qu’elle tente de se défendre pour ne pas être défigurée, elle est surprise par les surveillantes les poings en l’air, et ces deux secondes qui la montrent dans une mauvaise posture dépendant d’un instant particulier anéantissent tous ses efforts. La dernière partie du film offre par contre un rythme un peu plus détendu et aurait peut-être gagné à aller d’avantage à l’essentiel à ce moment là.

Sans avoir la prétention de parler de caïds dans le milieu carcéral comme « Un prophète », l'un des films les plus récents sur la prison, Stéphane Cazes fait beaucoup mieux : il parle d’individus voulant conserver leur dignité, et d’une mère voulant garder son fils et des efforts qu’elle va déployer pour y parvenir. Et c’est d’ailleurs là l’essence même du film : l’infini amour d’une mère pour son fils, et toute la tendresse qui en découle. Celle-ci émerge avec le plus grand naturel dans le milieu le plus dur qui soit en France, sans étincelles, comme si c’était vrai. Et on y croit. C’est la magie du cinéma de Stéphane Cazes.

Ivan ChaslotEnvoyer un message au rédacteur

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