NUIT OBSCURE – « AIN'T I A CHILD ? »
Les nuits sans fin de ceux que le monde ne regarde plus
Synopsis du film
Des mineurs isolés dans Paris essayent tant bien que mal de trouver leur place dans notre société…

Critique du film NUIT OBSCURE – « AIN'T I A CHILD ? »
Dernière partie de sa trilogie sur les politiques migratoires, le documentaire de Sylvain George s’ouvre sur des gamins qui s’extasient à l’approche du continent européen. Ces images capturées au smartphone sont le témoin d’une joie pleine d’espoir, la promesse d’abandonner les difficultés de leur désormais ancienne vie. Mais rapidement, la couleur s’estompe, le film bascule en noir et blanc, synonyme d’une réalité bien plus sombre. Cet eldorado tant fantasmé n’a pas grand-chose à leur proposer, les abandonnant à leur propre sort, les transformant en vagabonds d’une capitale impersonnelle et tentaculaire.
Si la situation des migrants est devenue un sujet politique qu’on aborde à grandes logorrhées de chiffres et maximes toutes faites sur les plateaux télévisés, "Nuit Obscure - Ain't I a child ?" compte bien leur rendre leur humanité, préférant la fable poétique au pamphlet politique. Dans un Paris où tout est fait pour les invisibiliser, ces enfants déambulent sans but, jouent, se bagarrent, volent aussi, probablement plus par ennui que par désir de criminalité. Parfois, les chamailleries prennent des proportions plus dramatiques, la rancœur et la rage explosent, les désillusions s’expriment en coups de poing. Mais chaque instant de leur existence incarne cette valeur érigée en leitmotiv sur les réseaux sociaux : la résilience. Ici, elle n’est pas feinte ou intellectualisée, elle est charnelle, nécessaire. Car sans croire à un avenir plus radieux, à quoi bon accepter cette condition ?
Proche du cinéma direct, le métrage est un portrait impressionnant de ces mineurs isolés, meurtris dans leur chair, obligeant le public à regarder frontalement ce quotidien. Dans la pénombre de nos grandes villes européennes, des tragédies se jouent en silence. Plutôt que d’en tirer un propos partisan, Sylvain George offre à Malik, Hassan, Mehdi et aux autres, non pas une tribune, mais un visage, des corps que les spectateurs n’auront d’autres choix que de considérer. Par ce simple geste, cette œuvre pudique et sans artifice réussit un immense tour de force. Sans doute trop long, souvent redondant, ce projet immersif risque d’en décourager plus d’un. Mais par sa proximité saisissante avec son sujet, le film fournit une matière rare dans les salles obscures. Il serait alors bien dommage de ne pas s’y oser.
Christophe BrangéEnvoyer un message au rédacteur