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NO NOS MOVERAN

Les conséquences d'une légitime obsession

Soco, avocate, ne s’est jamais remise de la mort de son frère Coque. Devenue vieille, elle continue à conseiller les autres dans leurs démarches juridiques, mais s’avère déterminée à faire payer l’un des militaires qui avait fait son frère prisonnier et l’aurait tué, et dont elle a trouvé une photo. Vivant entre sa sœur Esperanza, qui ne lui adresse plus la parole, et son fils Jorge, dont elle apprécie la fiancée Lucia, elle bénéficie de l’aide d’un ancien du Ministère de l’intérieur qui est parvenu à lui donner un nom. Elle va alors demander l’aide d’un jeune voisin prénommé Siddartha, afin d’organiser sa vengeance…

"No Nos Moveran", évoque, au travers du portrait d’une avocate vieillissante, qui ne fait même plus payer certaines de ses consultations (certains lui offrent juste un gâteau en guise de remerciements...), un moment particulier de l’histoire du Mexique : le massacre des étudiants du quartier de Tlatelolco en 1968, à Mexico, à quelques jours de l'ouverture des Jeux olympiques. Un événement qui aurait par des tirs de la police sur l'armée afin de faire dégénérer le mouvement de revendications étudiantes en entraînant sa répression. Le métrage s’ouvre d’ailleurs sur des images d’archives avec des manifestants demandant justice pour cela. L’histoire se poursuit alors en noir et blanc, des dizaines d’années plus tard, auprès de Soco (Socorro), et adopte la forme d'un quasi huis-clos situé dans son appartement. Un lieu qui devient comme l’image de la prison mentale que celle-ci s’est construite dans son obsession à obtenir justice pour son frère Coque. Et une intention de justice devenue depuis un « œil pour œil » face à l’impossibilité de s'attaquer aux coupables d'un événement minimisé par les autorités.

Luisa Huertas livre ici un formidable numéro d’actrice, au sein d’un film particulièrement sombre, dans lequel il n’est certes pas facile de rentrer, mais qui apporte au final son lot de plans saisissants et sa part d’émotion, la santé du personnage l’obligeant peu à peu à se confronter à la réalité de ses souvenirs. Saluons ainsi la mise en scène de Pierre Saint Martin Castellanos, qui empreinte aux codes du polar, avec l’utilisation de contre-plongées pour créer l’inquiétude, du hors champs pour certains personnages mystérieux, ou encore des symboles pour incarner la logique mortifère de son héroïne (les plans sur la cage d’escalier où l’on ne voit que les barres des rambardes, la colombe qu’il faut absolument sauver face à un chat noir, les plumes qu’elle aussi a perdues dans l’affaire au fil des ans, le pain brûlé comme chose à endurer...). Une œuvre âpre, au titre reprenant les paroles d’un chant contestataire, où rien n’est finalement noir ou blanc, pas même ses personnages.

Olivier BachelardEnvoyer un message au rédacteur

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